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en est tout mouillé en forme de petite goutte ; & sans lui, la piquûre d’une abeille ne causeroit pas plus de douleur que celle d’une aiguille très-fine. Lorsqu’on a fait piquer une peau de chamois quatre ou cinq fois par une abeille, sa vésicule, qui contient ce venin, s’est vuidée ; si on éprouve ensuite de se faire piquer, la douleur que cause l’aiguillon en pénétrant dans les chairs est peu sensible, & elle n’est point suivie d’inflammation.


Section II.

De quel sexe sont les Abeilles ouvrières.


Les abeilles ouvrières ne contribuent point à la propagation de leur espèce ; elles ne sont que les nourrices de la famille qu’elles élèvent, & non pas les propres mères. M. Riem, il est vrai, prétend qu’elles pondent dans le besoin, parce qu’il assure avoir trouvé des œufs dans des morceaux de gâteau qu’il avoit placés dans des boîtes, après s’être assuré qu’il n’y avoit aucune espèce de couvain, mais seulement quelques ouvrières. On ne doit point se décider à leur accorder le sexe féminin sur une simple observation contre laquelle on peut former bien des objections, surtout quand les dissections anatomiques qu’on en a faites, n’offrent aucune découverte qui puisse rendre cette opinion vraisemblable. Swammerdam en a beaucoup disséqué dans les différentes saisons de l’année ; il a considéré leur intérieur avec toute l’exactitude dont ce grand physicien étoit capable, & jamais il n’a découvert aucuns des organes de la génération qui sont propres ou aux mâles ou aux femelles. M. de Réaumur en a disséqué beaucoup dans le tems de la ponte, & il n’a trouvé dans aucunes rien qui fût analogue aux ovaires des femelles, ni aux parties sexuèles des mâles, ni le moindre petit conduit qui contînt des grains qu’on pût soupçonner être des œufs.

Il est donc certain, suivant les observations de ces savans naturalistes, que les abeilles ouvrières n’ont aucun sexe ; c’est improprement qu’on les appelle des mulets ; l’épithète de neutre est celle qui leur convient, parce que le mulet a un sexe apparent, & elles n’en ont point. Elles sont par conséquent de chastes vestales, sur lesquelles les attraits des plaisirs de l’hymen n’ont point de pouvoir, puisque cet état qui leur a valu tant d’éloges, est une suite nécessaire de leur organisation particulière : la nature qui les destinoit à des occupations qui exigent de l’assiduité & des soins, incompatibles avec la dissipation qu’occasionne le desir de reproduire son espèce, devoit leur donner une conformation particulière qui les mît hors du danger de toute tentation à cet égard.


Section III.

De l’emploi des Abeilles ouvrières.


La prospérité de la république des abeilles dépend des soins que prennent les ouvrières de la rendre fleurissante ; elles emploient tout leur tems & leurs peines à procurer tout ce qui tend au bien commun de la société ; c’est-là le but de leurs travaux, de leur industrie, de leur prévoyance & de leurs voyages. La reine, les faux-bourdons sont