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ques gouttes sur des parties délicates : sa grande causticité attaqueroit la peau, & formeroit des espèces de brûlures. On peut cependant en faire prendre aussi intérieurement dans les mêmes cas que nous venons de citer, sur-tout dans l’apoplexie & dans les maladies soporeuses, mais en petites doses, comme depuis deux ou trois grains, jusqu’à six, dans des mixtures stimulantes : pris de cette manière, il est quelquefois un fort sudorifique.

L’alcali volatil fluor est une espèce de spécifique contre la morsure de la vipère. (Voyez ce mot ) On doit cette découverte à M. Bernard de Jussieu. M. M.

Voici l’application pratique & les avantages que l’agriculture peut retirer de l’usage des alcalis. Toutes les substances soit animales, soit végétales, putréfiées, fournissent plus ou moins d’alcali, ainsi qu’on vient de le dire, & les cendres des végétaux en donnent également. Il est donc avantageux de rassembler ces substances, de les mélanger avec les fumiers quelconques tirés des écuries. Ces sels s’unissent aux portions graisseuses & huileuses, & forment ensemble une espèce de savon. Un tel fumier qui a resté quelques mois amoncelé, & ensuite enfoui dans la terre, a le double avantage de laisser séparer & atténuer ses parties par l’eau, au point qu’elle les met en état de pénétrer dans les racines des plantes, parce que cette eau est devenue à son tour savonneuse, & par conséquent susceptible de la plus grande atténuation & de la plus forte division. En un mot, l’eau, l’huile, les sels & la terre ne montent avec la séve dans les plantes pour les nourrir, que lorsqu’elle se trouve dans l’état savonneux. Ce principe sera détaillé plus au long au mot Engrais. Le second avantage des engrais chargés d’alcali, est d’attirer non-seulement l’humidité de l’air, mais encore ce principe salin, que M. Bergman & les physiciens modernes ont si bien démontré. Des cendres lessivées & épuisées de leurs sels alcalis, exposées sous des hangars pendant quelques mois, donnent presque la même quantité de sel que dans la première lixiviation ; elles se sont donc approprié le sel aérien, pour se servir de l’expression de M. Bergman. Or, si ces cendres acquièrent de nouveaux sels, on doit concevoir combien les engrais alcalins en feront acquérir à la superficie de la terre qui les recouvre ; & ces nouveaux sels continuant à s’unir aux matières graisseuses & huileuses que fournit cette multitude innombrable de petits animaux qui vivent sur la terre ou dans son sein, forment perpétuellement une matière savonneuse qui devient l’aliment des plantes. Si l’on prend la peine d’examiner la superficie d’une toise quarrée d’un champ, d’un pré, &c. on jugera, après une demi-heure d’inspection, que la supposition que nous venons de faire de cette multitude d’animaux n’est point une chimère, mais une réalité qu’on n’a pas encore assez observée. C’est un des grands moyens employés par la nature, pour la production des végétaux, & par une autre loi aussi constante, plus une terre est couverte de végétaux, plus le nombre des insectes