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il passe pour aloès succotrin, lucide & transparent.

Le succotrin purge beaucoup, échauffe, procure des coliques, accroît le volume & la douleur des hémorroïdes, irrite les bronches pulmonaires ; à petite dose, il fortifie l’estomac & les intestins relâchés par d’abondantes sérosités, ou par des humeurs tendantes vers l’acide : souvent il fait mourir & chasse les vers cucurbitins, ascarides, & lombricaux, contenus dans les intestins ; quelquefois il rétablit le flux menstruel supprimé par l’action des corps froids. Il est dangereux de l’employer pour l’expulsion de l’arrière-faix & des lochies : il porte évidemment préjudice aux pléthoriques, aux bilieux, aux femmes enceintes, aux hémoptisiques, aux personnes délicates & affectées de la poitrine. Il est contre-indiqué dans toutes les maladies inflammatoires, les maladies convulsives & douloureuses ; extérieurement, il a souvent borné la carie, & quelquefois l’a détruite, ainsi que la gangrène. Pour les usages intérieurs & extérieurs, soit pour les hommes, soit pour les animaux, il est plus prudent de ne se servir que de l’aloès succotrin.

Le suc pulvérisé se donne comme purgatif pour l’homme, depuis 4 grains jusqu’à 25, incorporé dans du sirop, ou délayé dans trois onces d’un véhicule aqueux ; il faut alors le filtrer.

Pour faire la teinture d’aloès, prenez deux onces d’aloès succotrin pulvérisé, & dix onces d’esprit de vin : faites digérer le tout pendant huit jours, & à une douce chaleur, dans un vaisseau exactement fermé ; décantez & filtrez à travers le papier gris : comme purgatif, on donne cette teinture depuis quinze grains jusqu’à une drachme, & comme altérant, depuis un grain jusqu’à dix.

La dose du suc épaissi, est de deux drachmes, pour les animaux, jusqu’à une demi-once, & même jusqu’à deux onces. Deux jours avant de purger l’animal, il est convenable de lui donner soir & matin un lavement fait avec la décoction des plantes émollientes, comme la mauve, la pariétaire, &c. & de le tenir au blanc & aux boissons émollientes ; le remède le purgera mieux, & produira, sans l’échauffer, autant qu’il le feroit sans cette précaution. Dans les chevaux, l’effet des purgatifs ne se manifeste ordinairement que vingt-quatre heures après : c’est pourquoi on doit éviter autant qu’il est possible, l’usage des substances drastiques & incendiaires qui leur occasionnent souvent des coliques dangereuses, & par conséquent qui doivent être précédées par de grands lavages émolliens. Tous les cas dans lesquels l’aloès est contre-indiqué pour l’homme, il l’est également pour l’animal : lorsqu’il est sujet à des coliques, à des convulsions ; lorsqu’il est échauffé par des exercices violens, il faut bien se garder de lui prescrire son usage.

Dans quelques endroits de la Basse-Provence, on plante l’aloès pour servir de haie, & cette haie est impénétrable aux hommes & aux animaux, parce que chaque feuille présente à son extrémité, & sur ses côtés, des pointes ligneuses très-aiguës & pénétrantes. L’aloès se multiplie de drageons, & l’on peut encore le multiplier en coupant une