Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/498

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qu’autre manière que ce soit. Les ordonnances de nos rois ont fixé à 60, 90, 100, 150 & 200 ans l’âge où les bois du domaine du roi mis en futaie, doivent être abattus : ces ordonnances ont prescrit de laisser dix baliveaux par arpent, & les gens de main-morte sont obligés d’avoir un quart de leurs bois en réserve ; enfin, tous les propriétaires quelconques doivent laisser seize baliveaux par arpent dans les taillis, & il leur est défendu de les couper avant quarante ans, & le taillis au dessous de dix ans.

Il n’est pas possible de fixer le nombre des années qu’un arbre de quelque espèce qu’il soit, doit rester sur pied avant d’être abattu. Son existence est relative à sa végétation, & sa végétation à la qualité du sol dans lequel il croît, & au climat sous lequel il croît. Si on veut une règle générale, il faut la prendre dans la nature même, & en voici une qui me paroît invariable, & décider le moment où l’arbre est dans le cas d’être abattu avant qu’il soit en décours. Il est surprenant que ceux qui vivent, pour ainsi dire, au milieu des forêts, n’aient pas saisi cette indication de la nature.

Ce que j’ai à dire ne peut s’appliquer qu’aux arbres venus naturellement, & dont le pivot, les racines, &c. n’ont point été mutilés par la main des hommes. On peut cependant, & à la rigueur, l’appliquer aux autres arbres.

Supposez un demi-cercle divisé par degrés ; le point de la partie supérieure est un : pour aller jusqu’à la ligne horizontale ou à la base du cercle, tracez de chaque côté quatre-vingt-dix degrés qui sont les divisions ordinaires du demi-cercle & du quart de cercle. Il s’agit d’appliquer ces degrés aux positions des mères branches de l’arbre.

Sa tige sera le degré 1, ou autrement la perpendiculaire sur la base. Les branches d’un arbre très-jeune décrivent un angle de dix ou vingt degrés avec le tronc : je ne parle pas des branches inférieures qui périront par la suite ; elles sont longues, fluettes, branchues, surchargées de feuilles relativement à leur grosseur ; d’ailleurs, elles sont pour ainsi dire écrasées par les branches supérieures. L’arbre acquiert des années ; presque toute la totalité de ses branches s’abaisse, & forme un angle de vingt à trente & à quarante degrés : c’est son moment de vigueur. Lorsque la masse des branches parvient à l’angle de cinquante à soixante degrés, l’arbre, loin d’acquérir en force, décline : à soixante-dix, il a déjà beaucoup perdu ; & à l’angle de quatre-vingts à quatre-vingt-dix, il ne doit plus servir pour les constructions essentielles, pour la marine, & c’est un arbre passé. Je dis plus, son bois sera même très-médiocre pour être converti en charbon, parce que ce charbon se consumera au feu sans donner de la chaleur, sans faire une brasse vive & ardente ; enfin, il sera cendreux. Cette règle est plus sûre que celles des années fixées par l’ordonnance.

On dit qu’un arbre se couronne, lorsque les branches du sommet ont leurs canaux oblitérés, qu’elles ne reçoivent que peu ou plus de séve ; enfin, qu’elles sèchent sur pied. Il seroit plus exact d’appeler arbre cou-