Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/610

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qui travaillent à la terre, & ceux qui mangent trop, la digestion se fait mal : le désordre croît, si les alimens sont de mauvaise qualité & contiennent peu de cet air fixé qui s’oppose à la putréfaction commençante. Tels sont les végétaux gâtés, & les animaux dont la viande est passée. Si à toutes ces causes vous ajoutez un air mal-sain, dans lequel plusieurs infortunés sont obligés de vivre par état, la masse entière de leur sang, gâtée, & ces sucs destinés par la nature pour faire une bonne digestion, ne feront, au contraire, que la détruire entiérement. Donnons maintenant les moyens de combattre victorieusement ces différens états de la putridité.

Dans le premier degré, il faut diminuer la quantité des alimens, proscrire la viande, & conseiller l’usage des végétaux cuits dans l’eau, & animés avec quelques plantes aromatiques ; il faut que le malade boive de la limonade légère & froide, afin de fortifier les solides ; les boissons chaudes procurent un effet contraire ; il faut défendre & le vin & les liqueurs, car ces moyens incendiaires, que l’ignorance & les préjugés ont tant accrédités, arrêtent ces évacuations que la nature produit, & qui sont de la plus grande nécessité. Si le malade a des envies de vomir, il faut lui faire boire abondamment de l’eau, même froide ; ce moyen suffit souvent pour exciter un vomissement qui débarrasse l’estomac ; si à ces moyens simples, mais pris dans la nature, on ajoute un exercice modéré & un air pur, le malade ne tardera pas à recouvrer la santé.

Dans le deuxième degré. Ici la putridité se répand de l’estomac dans le bas-ventre. C’est dans ce deuxième degré sur-tout qu’il faut défendre le bouillon gras ; mais la raison & l’expérience élèvent en vain leur voix, le préjugé l’emporte, & les bouillons sont administrés ; de là naissent des maladies longues & douloureuses, & qui, le plus souvent, finissent par la mort.

D’ailleurs, que l’on fasse seulement attention au dégoût invincible que les malades éprouvent à l’aspect d’un bouillon gras, & ce trait seul servira pour éclairer, s’il est possible, des têtes en proie à l’habitude machinale & à l’ignorance. Les boissons abondantes ne suffisent pas ici pour exciter le vomissement ; il faut employer les émétiques. Il en est de deux espèces : ceux qu’on retire du règne végétal, l’ipécacuanha ; & ceux qu’on tire du règne minéral, le tartre stibié : ces deux remèdes conviennent ; les circonstances en déterminent le choix.

On doit se servir de l’ipécacuanha dans les cas où le relâchement est considérable, où les évacuations sont abondantes, parce qu’il joint à sa vertu émétique, la vertu antiseptique & astringente ; c’est par cette raison qu’il réussit d’une manière aussi victorieuse dans les dyssenteries : mais cette même vertu astringente s’oppose à ce qu’on le mette quelquefois en usage, quand il existe fièvre putride, lorsque les évacuations sont peu abondantes, quand les solides sont irrités, & que l’estomac est disposé à s’enflammer.

La diarrhée putride, & les borborismes qui ont lieu dans ce deuxième degré, exigent des purgatifs,