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de savoir le rôle qu’elle joue dans la nature, les avantages que nous pouvons en retirer, & ses effets dans l’économie végétale & même dans l’animale.

Comme l’argile en masse se laisse très-difficilement pénétrer par l’eau, c’est à elle que l’on doit le plus souvent ces amas d’eau connus sous le nom de lac, d’étang, de fontaine, qui paroissent ne jamais tarir. Les bancs argileux s’étendant dans l’intérieur de la terre, empêchent que les eaux des pluies, qui filtrent de la surface, ne pénètrent plus avant & ne se perdent, en frustrant les hommes, les animaux & les plantes des avantages qu’elles répandent de tous côtés, & dans tous les genres. Ces eaux se trouvant arrêtées par ces couches, s’étendent sur elles, & s’y conservent comme dans un réservoir précieux ; ou bien s’échappant par la première ouverture que la nature leur a ménagée, ou qu’elles se sont formée elles-mêmes, elles viennent donner naissance aux sources & aux fontaines, qui ne cessent de couler que lorsque le grand réservoir intérieur, n’étant pas renouvelé par la filtration d’une eau nouvelle, se tarit insensiblement. Si dans le cours de ces eaux à la surface de la terre, il se trouve des enfoncemens recouverts immédiatement par une couche argileuse, ou que cette couche se trouve assez près de la surface pour s’opposer à la perte de ces eaux ; alors elles ne peuvent plus pénétrer le sein de la terre ; elles séjournent à l’extérieur, & forment les étangs & les lacs.

Quelquefois ces bancs d’argile se trouvent placés sur les sommités des montagnes ; ils y retiennent les eaux que les nuages y versent, ou que les neiges y déposent, si l’évaporation n’égale pas la quantité d’eau qui s’y rassemble. Le voyageur surpris est étonné de rencontrer à ces hauteurs des lacs assez considérables.

Il arrive souvent que ces bancs d’argile venant se terminer sur le penchant d’une colline, & se trouvant mêlés de beaucoup de substances hétérogènes que l’eau dissout facilement, cèdent au poids des masses supérieures qui les recouvrent ; alors ils s’étendent dans le sens où la résistance est moindre, c’est-à-dire, vers le côté extérieur de la colline ; les corps qui se rencontrent au dessus s’avancent avec eux, se détachent du reste de la masse générale, & parcourent souvent un espace considérable. Telle est la cause de ces accidens fréquens dans les pays montagneux, ou les bancs argileux & schisteux sont communs. Combien de fois n’a-t-on pas vu des masses de rochers, des parties entières de forêts situées sur le revers d’une montagne, des habitations & des maisons se détacher & rouler dans la vallée par le déplacement de leur base argileuse ? Il n’est pas rare de voir encore dans ces pays une maison assise sur de l’argile, se hausser & se baisser alternativement. Lorsque les eaux de pluie pénétrent cette argile, elle s’humecte, s’en imbibe, se gonfle & acquiert plus de volume ; si elle ne peut s’étendre en surface, elle s’élèvera en hauteur, & soulevera la maison qu’elle supporte : à mesure que cette argile