Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la marine, 8 à 10 pouces d’intervalle entre chaque pied ; quant à l’autre, la distance de 3 ou 4 pouces suffit.

Le point essentiel, en arrachant les plantes surnuméraires, est de ne point déchausser les voisines. À cet effet la femme ou l’enfant employé à cette opération, appuiera une main contre terre ; &, les doigts écartés, fixera les plantes à conserver, tandis que la main droite sera occupée à tirer les autres de terre.

VI. Du temps d’arracher le chanvre. Cette opération se fait en deux fois : la première pour le chanvre mâle, & la seconde pour le chanvre femelle. Nous avons dit que les fleurs mâles étoient portées sur des pieds différens de ceux des fleurs femelles. Lorsque le temps de la fleuraison est passé, c’est-à-dire, lorsque les fleurs mâles ont répandu leur poussière séminale sur les fleurs femelles, les mâles ont alors rempli leur destination ; aussi ils ne tardent pas à se dessécher, le haut de la tige jaunit, la tige blanchit vers la racine, il ne monte presque plus de sucs nourriciers ; enfin la plante demande à être arrachée de terre, mise en petits faisceaux, & portée au-delà du champ.

La plante femelle, devenue dépositaire de la graine qui doit la reproduire & perpétuer son espèce, a besoin d’un plus long espace de temps, & son existence est prolongée jusqu’à ce que la semence ait acquis sa parfaite maturité. Alors les feuilles se dessèchent, la tige jaunit, &c. & tout annonce que le vœu de la nature est accompli. Cette différence de durée des mâles & des femelles est quelquefois depuis trois jusqu’à six semaines, suivant la saison & le climat.

Dans plusieurs cantons du royaume & des pays étrangers, on arrache indistinctement le chanvre mâle & le chanvre femelle tout à la fois. Pourquoi contrarier ainsi l’ordre établi par la nature, puisque la tige du chanvre femelle n’a pas encore acquis sa perfection ? le brin ou filasse qu’on en retirera par la suite n’aura jamais autant de force, autant de nerf que si la plante étoit parvenue à sa perfection ; d’ailleurs on perd en entier la récolte de la graine, objet précieux, soit pour nourrir la volaille, soit à cause de l’huile qu’elle contient & qui est d’une grande ressource.

Je sais que pour suppléer à cette récolte perdue de semences, on a coutume de laisser sur la lisière du champ une bordure de plantes femelles, afin de se procurer la graine suffisante pour la semaille prochaine. On ne fait pas attention qu’un seul coup de vent qui fait plier & coucher les tiges, détruit toute espérance ; que la graine mûrit mal ; qu’au moment qu’elle approche de sa maturité, une armée innombrable d’oiseaux de toute espèce se jette sur ces tiges isolés, & n’y laisse pas seulement la graine la moins mûre : ces raisons devroient bien engager le cultivateur à renoncer à une méthode aussi défectueuse.

VII. De la manière d’arracher le chanvre, & d’en retirer la graine. On a déjà dit que la plante mâle étoit plutôt mûre que la plante femelle, & que la couleur jaune & l’inclinaison de la feuille annonçoient sa maturité. Les hommes ou les femmes occupés à ce travail, auront la plus grande attention de ne point