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de M. de la Levrie, il assure que l’ayant attelée de six paires de bœufs il est parvenu à défricher une terre remplie de bruyères, dont les racines étoient très-grosses, & qu’après ce premier labour on avoit donné aisément les autres avec les charrues ordinaires.

Section III.

Des différens usages auxquels sont employées les charrues à coutres sans soc, & de la manière de s’en servir.

La charrue à coutres sans soc, est un instrument tout nouveau, dont l’agriculture ne fait usage que pour préparer les terres à la culture qu’on fait avec les charrues ordinaires. Elle est employée 1o. à défricher les terres qu’on veut mettre en état de culture. 2o. À couper les gazons des prairies qu’on veut renouveler. 3o. À donner une culture aux prés, afin de détruire la mousse en partie, & de faciliter le passage des engrais jusqu’aux racines des plantes.

Quand on se sert de la charrue à coutres pour une terre en friche, on ne doit point s’en tenir à un premier labour, parce qu’il peut rester dans la distance d’un coutre à l’autre des racines qui ne soient point coupées, surtout si leur direction est parallèle à celle que suivent les coutres : il faut dans un second labour, fait avec la même charrue, croiser les raies qu’on a faites au premier : de cette manière il sera difficile qu’il y ait quelques racines qui ne soient point coupées par les coutres. Après cette double opération, qui est nécessaire dans un terrein rempli de bruyères, on ramasse toutes les plantes & les racines que les coutres ont ramenées à la surface ; ensuite on donne un troisième labour avec la charrue ordinaire. La terre étant bien divisée & coupée dans tous les sens, il est très-aisé de la renverser sens dessus dessous avec la charrue ordinaire, qui exécutera ce labour avec autant de facilité & de succès que dans un terrein qui est en bon état de culture, puisqu’elle ne rencontrera aucun des obstacles qui auroient rendu son travail infructueux.

Si l’on veut mettre une prairie en terre labourable, la charrue à coutres est très-utile pour cet effet, parce que tous les traits qu’elle fait sont parallèles les uns aux autres : on réduit donc, par cette opération, toute la surface du terrein en bandes de gazons de trois pouces de largeur, qui est la distance d’un coutre à l’autre. Le gazon est entièrement coupé dans toute sa longueur, parce que les coutres entrent dans la terre à cinq ou six pouces de profondeur, ce qui suffit pour la diviser absolument. Cette culture, qui n’exige que deux chevaux d’attelage, parce que la charrue ne fait que couper la terre sans la soulever, est faite assez promptement, puisque chaque trait de charrue divise en bandes, au moins quinze pouces de terrein. Quoiqu’une prairie oppose de moindres obstacles à la charrue, qu’une terre en friche remplie de bruyères, il ne seroit cependant pas à propos de donner un second labour avec la charrue ordinaire, en croisant les premières raies, parce que les coutres ont coupé, il est vrai, le gazon, mais seulement en longueur, de sorte que la charrue ordinaire qui viendroit