Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/176

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racines ne tirent de la terre aucune substance, jusqu’à ce qu’elles y soient intimément unies. Ce n’est pas tout ; si les mois de février ou de mars, sont extrêmement secs ou pluvieux, comme cela arrive souvent, alors le terrein léger n’a plus de consistance s’il est sec, & le sol compacte se lève par mottes, s’il est mouillé ; il se pétrit & devient plus compacte encore : la saison avance, on est forcé à planter, quelque temps qu’il fasse, & souvent l’opération est manquée. On ne court aucun risque de planter avant l’hiver, de très-bonne heure, & beaucoup si on attend la cessation du froid. (Voyez la manière de transplanter les arbres, au mot Transplantation.)

Lorsque l’arbre a été mis en terre, il exige des soins. Le premier & le plus essentiel est de revêtir les tiges avec de la paille & de la recouvrir d’épines : cette paille est inutile, & même seroit nuisible pendant l’hiver, puisqu’elle entretiendroit contre la tige une humidité superflue, que le froid convertiroit en glace, & la glace envelopperoit alors la tige de toutes parts. La paille, au contraire, la doit maintenir fraîche au printemps, & soustraire son écorce à l’action trop directe du soleil pendant le printemps & pendant l’été. Les épines, dont le tout est recouvert, empêchent les bestiaux de venir se frotter contre les arbres, qu’ils couchent & déracinent souvent par la pesanteur de leur masse. La paille a encore l’avantage d’empêcher le tronc de bourgeonner, & la sève ne trouvant pas des issues est forcée de monter au sommet de la tige, d’y former & nourrir les branches nouvelles. Les agronomes prudens, qui ne font rien à la hâte, mais avec poids, mesure & discernement, ont la précaution, dès que les chaleurs se font sentir, de couvrir toute la superficie de la terre remuée au pied de l’arbre, avec des fagots de bruyères ou autres herbes, afin d’empêcher la trop facile évaporation de l’humidité de cette terre ameublie, & par conséquent d’y maintenir cette fraîcheur salutaire, qui assure la reprise & la végétation de l’arbre. Peu à peu ces herbes pourrissent & deviennent un nouvel engrais. On fera encore mieux si on recouvre ces herbes avec six pouces de terre. Un particulier, dans la vallée de Baigorri, a porté l’attention jusqu’à faire chauffer le pied de ses jeunes arbres pendant les cinq ou six premières années, non seulement avec la fougère dont on vient de parler, après leur avoir fait donner un labour sur un diamètre de six à sept pieds, mais encore avec de la terre, relevée de tout le pourtour de l’arbre. Ce travail donnoit plus de solidité au pied de l’arbre, & le fortifioit contre les coups de vents, ménageoit, dans toute la circonférence du terrein travaillé, une espèce de petit réservoir aux eaux pluviales. Il est résulté de ces sages précautions que ces châtaigniers ont fait des progrès si rapides, que dans l’espace de treize à quatorze ans, à compter du temps de leur transplantation dans la châtaigneraie, ils avoient au-dessus du talon trois pieds de circonférence, & qu’ils avoient produit du fruit depuis plusieurs années.

Dès que la tige a produit des branches d’une grosseur convenable, il faut greffer l’arbre en flûte. Je n’entrerai