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la chaux, comme du meilleur des engrais ; qui se livrent à des calculs imaginaires, sur le peu de frais du transport, comparés à ceux du fumier, & sur les produits étonnans qui résultent de cet engrais ? La conclusion en est simple. Ils n’ont jamais manipulé par eux-mêmes ; leur science consiste dans les livres qu’ils ont lus, & les produits sont dans leur imagination. Je le répète, l’art de chauder est très-difficile, & on ne doit chauder que dans les pays pluvieux & naturellement froids, c’est-à-dire, ceux où la chaleur n’est pas assez forte pour mûrir complètement le raisin : quoique cette règle soit générale, elle souffre bien peu d’exceptions.

Quoiqu’habitant & cultivateur dans une province méridionale, je me sers utilement de la chaux. Lorsque l’on vide le creux à fumier, je fais couvrir le fond avec de la chaux, & le fumier de litière est ensuite jeté par-dessus à la hauteur d’un pied, & le tout est recouvert de quelques pouces de terre : on fait ensuite successivement un lit de fumier, de terre & de chaux ; & de temps à autre, je fais couler l’eau dans ce creux ; de manière que la base est toujours fortement imbibée d’eau, & non pas noyée. La chaleur attire cette eau vers le sommet, la réduit en vapeurs ; elle traverse la masse, & la tient toujours suffisamment humectée, sans quoi le fumier prendroit le blanc. Au mot engrais on trouvera de plus grands détails.

Par ce procédé, la combinaison est faite avant qu’on porte le fumier sur les terres ; & dès qu’il y est enfoui, s’il survient une petite pluie, elle divise & dissout la matière savonneuse ; la terre en est pénétrée, les racines des jeunes plantes trouvent une nourriture analogue à leurs besoins ; enfin, la végétation est prompte, soutenue, &c. C’est donc seulement comme corps auxiliaire, comme corps salin, que j’emploie la chaux, afin de réduire plus promptement les parties graisseuses, huileuses & animales, à l’état savonneux ; mais si le fumier devoit rester à sec, je me garderois bien d’y ajouter la chaux, parce que la combinaison n’auroit pas lieu, & la chaux abymeroit le fumier. Si, au contraire, le fumier est noyé par une trop grande quantité d’eau, s’il y baigne continuellement, comme c’est l’usage en Flandre, en Picardie, l’eau sera chargée de tous les principes, & le corps du fumier en retiendra bien peu.


CHAPITRE II.

De la Chaux employée dans les bâtimens.


La manière de cuire la pierre à chaux n’a aucun rapport à notre objet, c’est un art à part ; ceux qui désireront le connoître, peuvent lire l’article Chaufournier, inséré dans le Dictionnaire Encyclopédique ; ou ce même art, publié en 1766 par M. Fourcroy de Ramecourt, & inséré dans la collection de l’Académie royale des Sciences de Paris. C’est donc son emploi, & non sa fabrication qui doit nous occuper.


Section première.

De la qualité de la Chaux.


La meilleure pierre à chaux est celle qui est remplie de pierres