Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/226

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femelle pour la féconder, elle reste nulle : or, si dans le temps de la fleuraison il survient des pluies, cette poussière reste collée sur le chaton, ou est entraînée par l’eau, & la fleur femelle coule ; (voyez coulure) dès-lors, il y a peu ou point de glands : des jours froids, & des nuits plus froides encore produisent le même effet. L’abondance de toutes les productions de la nature dépend de l’époque de la fleuraison ; les chênes isolés donnent des glands presque toutes les années, par la raison que l’humidité, nuisible à la fleuraison, est dissipée par le courant d’air qui les environne. Il n’en est pas ainsi dans les grands bosquets, ni dans les forêts. Le premier qui tombe & devance la maturité ordinaire, est attaqué par le ver ; c’est le cas de le donner aussitôt aux cochons ; & celui qui tombe ensuite par une maturité non forcée, est le meilleur : les derniers mûrs doivent être mangés sur place. Si le paysan étoit plus attentif, plus prévoyant, il recueilleroit dans les années de fertilité, & les conserveroit pour celles de disette. J’ai vu des cochons manger avec autant d’avidité des glands desséchés depuis trois ans, que des glands de la dernière récolte ; ils les faisoient craquer entre leurs dents, & sembloient ne pouvoir s’en rassasier. On pourroit, si on le vouloit, les mettre tremper dans l’eau pendant quelques jours avant de les leur donner.

La manière la plus simple de conserver les glands, est de les ramasser aussi-tôt après qu’ils sont tombés, pendant le plus fort du soleil ; de les étendre ensuite dans un lieu sec & très-exposé à un grand courant d’air, de les remuer souvent en les changeant de place, &c. Le gland bien desséché se conserve pendant plusieurs années, si on le tient dans un lieu très-sec. On pourroit même, à la fin de la dessiccation, le faire passer à un four dont la chaleur seroit modérée : une pareille précaution, prise dans une année de grande abondance, seroit ensuite très-profitable au propriétaire, puisque le prix du gland est souvent au triple de sa valeur ordinaire.

Le gland sec & pulvérisé, mêlé avec le son ou telle autre substance, sert de nourriture à la volaille, sans être réduit en poudre ; mais frais, on le donne aux bêtes à laine, en petite quantité, & une fois par jour : sans cette précaution, il les altère & leur donne le dévoiement.

Les branches de chêne, coupées au mois d’août, sont une nourriture d’hiver très-précieuse pour les troupeaux, & qui économise singulièrement le fourrage. Celles de toutes les espèces de chêne vert ou chêne liége ont le même avantage.

Le chêne fournit le meilleur bois pour les cuves, les cerceaux, les douves des tonneaux. (Voyez ces mots) Je donnerai au mot Cuve la manière de faire disparoître son âpreté naturelle ; & au mot Lande, la manière de tirer parti des landes avec les chênes.

L’Académie de Bordeaux a proposé pour sujet de prix, d’indiquer l’époque à laquelle il étoit le plus avantageux d’abattre les forêts de chêne, soit pour l’usage de la marine, soit pour les usages économiques. Comme je n’ai pas son programme sous les yeux, je ne réponds pas que ce soient précisément les expressions dont elle s’est