Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/231

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qui ont le bec pointu. Cette chenille, de grandeur médiocre & velue, a seize jambes. À la vue simple, on ne distingue point l’arrangement de ses poils, qui sont roux. La couleur de son corps est brune. On apperçoit de chaque côté, à une distance égale de l’origine de ses jambes & du milieu de son dos, deux lignes de taches blanches, formées par des poils courts. Sur le milieu du dos, on remarque de petites taches rougeâtres. Sur l’anneau auquel est attachée la dernière paire des jambes membraneuses, & sur le suivant, on observe au milieu un mammelon rouge.

Le papillon, qui pond les œufs d’où naissent ces espèces de chenilles, est blanc, & d’une grandeur moyenne. La femelle fait sa ponte quinze jours ou trois semaines après qu’elle a quitté sa dépouille de chrysalide, parce qu’elle est secondée par le mâle presqu’aussi-tôt qu’elle sort de sa prison. Elle dépose ses œufs sur des feuilles, & les enveloppe d’une espèce de soie jaune, formée des poils qui sont à l’extrémité de son corps. Dès que les chenilles sont écloses, elles se mettent à manger & à filer, pour construire un nid, où elles se retirent pendant la nuit, & qui doit aussi leur servir de retraite pendant l’hiver. Elles supportent la rigueur de cette saison sans périr, en attendant le retour du printemps, pour sortir de leur solitude & aller ronger les feuilles naissantes. On voit en automne beaucoup de ces nids sur les arbres fruitiers, qui paroissent encore mieux en hiver, lorsque les arbres sont dépouillés de leurs feuilles. On apperçoit alors de gros paquets de soie blanche, qui enveloppent quelques feuilles à l’extrémité des branches. À mesure que les jeunes chenilles prennent leur accroissement, leur logement devient plus vaste, parce qu’elles filent toujours extérieurement, en rompant les fils intérieurs, afin d’avoir plus d’espace.

La chenille commune est regardée avec raison comme l’insecte le plus destructeur, parce que les feuilles de différentes espèces d’arbres & d’arbrisseaux sont également de son goût. Dans les vergers, elle attaque surtout les poiriers, les pommiers, les pruniers ; elle ne dédaigne pas les feuilles de rosiers & de quantité d’autres arbustes. Dans la campagne, elle s’établit sur les chênes, les ormes, l’aubépine, &c. Les jeunes fruits sont aussi de son goût ; souvent elle ronge les jeunes poires, les jeunes abricots, quand même elle a des feuilles à sa disposition. Le nid des chenilles, où nous avons dit qu’elles se retirent, est pour elles un asyle assuré, qui les met à couvert de toutes les injures du temps. La pluie ne peut point y entrer, parce que toutes les issues sont en-bas ; de sorte qu’elles glissent sans pénétrer le tissu soyeux dont il est construit. Quand il pleut, elles s’y retirent, de même que lorsque le soleil est trop ardent. Quand elles veulent changer de peau, c’est encore dans ce nid qu’elles vont quitter leurs dépouilles : aussi est-il fort ordinaire de l’en trouver rempli, lorsqu’on le prend après que les chenilles en sont délogées. Dès que l’hiver approche, quelquefois même à la fin de septembre, lorsqu’il commence à faire froid, elles se retirent dans leur nid, pour y passer la mauvaise saison. Dans cette retraite, elles sont