Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/235

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familles si nombreuses sont assez considérables ; il y en a qui ont jusqu’à dix-huit à vingt pouces de longueur, sur six à sept de largeur. Ils forment une espèce de poche, dont l’ouverture, qui leur sert d’entrée, est contre le tronc, ou quelque branche principale de l’arbre sous lequel il est placé. C’est ordinairement sur les chênes qu’elles habitent : ce nid est leur retraite pendant le jour ; elles en sortent pendant la nuit, pour aller ronger les feuilles qui leur servent de nourriture. La soie dont ces nids sont faits, est d’un blanc grisâtre. Il est rare d’en trouver dans le milieu des forêts ; c’est ordinairement sur les lisières qu’on rencontre ces sortes de républiques.

Quand ces insectes quittent leur logement pour aller s’établir ailleurs, leur marche est faite avec un ordre assez singulier, pour mériter d’être remarqué. Au moment qu’ils sortent de leur habitation, une chenille va la première, & ouvre la marche ; les autres la suivent à la file, en formant une espèce de cordon. La première est toujours seule ; les autres sont quelquefois deux, trois, quatre de front : elles observent un alignement si parfait, que la tête de l’une ne passe pas celle de l’autre. Quand la conductrice s’arrête, la troupe qui la suit, n’avance point ; elle attend que celle qui est à la tête, se détermine à marcher, pour la suivre. C’est dans cet ordre qu’on les voit souvent traverser les chemins, ou passer d’un arbre à l’autre, quand elles ne trouvent plus de quoi vivre sur celui qu’elles abandonnent. Elles observent l’ordre de cette marche, même pendant la nuit, lorsqu’elles sortent de leur nid pour aller prendre leur repas. À la pointe du jour, elles se rendent dans leur habitation, en observant toujours la même marche. Quelquefois on en voit, pendant le jour, hors de leur nid, pour prendre le frais, s’il fait trop chaud : elles sont alors collées contre le tronc ou quelque branche de l’arbre, à la file les unes des autres, sans faire aucun mouvement, à peu de distance de leur asyle.

Quand on veut détruire, ou qu’on est simplement curieux d’examiner les nids de la chenille processionnaire, il faut les toucher avec beaucoup de précautions, à cause des démangeaisons violentes, suivies d’enflures, qu’ils sont capables de causer. Nous avons observé que ces chenilles se retirent dans leurs nids pour changer de peau : toutes ces dépouilles & les poils dont elles sont couvertes, se brisent pour se réduire en poussière très-fine. Quand on touche ces nids, les poils brisés s’élèvent en forme de poussière qui s’attache aux mains, au visage, comme les piquans des orties que l’on touche : cette poussière cause sur la peau des démangeaisons très-cuisantes, accompagnées d’inflammation qui dure quatre ou cinq jours, pour peu qu’on ait la peau délicate. Les plus dangereux sont ceux d’où les papillons sont sortis, parce que leurs dépouilles ont eu le temps de se briser en séchant, & de se réduire en poussière très-fine. Ils ne sont point aussi à craindre quand ils sont habités par les chenilles. Les plus vieux sont par conséquent ceux qu’il faut toucher avec une plus grande précaution, afin de ne pas s’exposer aux démangeaisons qui en sont la suite.