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CHEVAL. Le cheval est sans doute la conquête la plus utile que l’homme ait faite sur les animaux ; on pourroit même dire celle qui fait le plus d’honneur à son industrie. Ce fier animal partage avec lui les fatigues de la guerre & la gloire des combats ; voit le péril & l’affronte, se plaît parmi le sang & le carnage : le bruit des armes n’est qu’un nouvel aiguillon qui excite de plus en plus son intrépidité. Après avoir ainsi contribué aux victoires de son maître, le cheval vient jouir avec lui des fruits du repos : à la ville il partage ses plaisirs ; il le traîne avec docilité dans tous les lieux où sa présence est utile, agréable ou nécessaire. Soumis à la main qui le guide, il obéit toujours aux pressions qu’il en reçoit, se précipite, se modère & s’arrête. Il ne semble exister, dit M. de Buffon, que pour obéir à l’homme ; il sait prévenir ses ordres, par la promptitude & la précision de ses mouvemens, il s’excède & meut, afin de mieux obéir.

Destiné aux travaux de l’agriculture, le cheval fait la richesse du cultivateur ; c’est lui qui transporte les denrées de toute espèce, & les fait circuler ; c’est lui qui alimente les villes, les enrichit des productions de nos campagnes, ou des fruits du commerce & de l’industrie.

La domesticité du cheval est si ancienne, qu’on ne trouve plus de chevaux sauvages dans aucune partie de l’Europe ; peut-être même sont-ils très-rares dans les autres contrées du monde connu : ceux que l’on voit dans l’île de St. Domingue, y furent transportés par les espagnols. Ces chevaux ont beaucoup multiplié en Amérique : on en voit quelquefois des troupeaux nombreux ; ils sont légers à la course, robustes, & plus forts même que la plupart de nos chevaux, mais ils sont moins beaux. Ces animaux sont sauvages, sans être féroces ; prennent de l’attachement les uns pour les autres, vivent dans la plus grande intimité, parce que leurs appétits sont simples, & qu’ils ont assez pour ne rien s’envier.

Les manières douces, & les qualités sociales de nos jeunes chevaux, ne s’observent, pour l’ordinaire, que lorsqu’ils vivent en troupe ; leur force & leur ardeur ne se manifestent le plus souvent, que par des signes d’émulation ; ils cherchent à se devancer à la course, à s’animer au péril, & même jusqu’à le désirer à passer une rivière, sauter une haie ou un fossé. Ceux qui, dans les exercices naturels, donnent l’exemple en marchant les premiers y sont les plus généreux, les meilleurs, & souvent les plus souples & les plus dociles, lorsqu’ils sont domptés ; en un mot, l’attachement de ces animaux les uns pour les autres est si grand, que l’on rapporte qu’un vieux cheval de cavalerie ne pouvant broyer sa paille, ni son avoine, les deux chevaux, placés habituellement à côté de lui, les broyoient, & les jetoient devant cet animal, qui ne subsistoit que par leurs soins pleins de compassion. Cette tendresse ne suppose-t-elle pas une force d’instinct qui étonne la raison ?

Le cheval est, de tous les animaux, celui qui, avec une grande taille, a le plus de proportion & d’élégance dans les parties du corps : en le comparant avec l’âne & le bœuf,