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facilement la plante monte en graine. On ne craint rien de la laisser dans le semis jusqu’aux mois de juillet & d’août, surtout dans les provinces méridionales. Dans celles du nord, on n’est pas autant sujet à ce désagrément. Au surplus, ceux qui aiment les primeurs peuvent essayer ; les circonstances les serviront peut-être à souhait. On peut encore replanter, dans les provinces du midi, aux mois de septembre & d’octobre, parce que les froids étant tardifs, & la chaleur se soutenant assez communément jusqu’en janvier, les pieds ont le temps de se fortifier. Toutes les fois qu’on a replanté, il convient aussitôt d’arroser fortement, & en général, les chicorées ne demandent pas beaucoup d’eau par la suite, à moins que la chaleur ne soit très-forte.

D’un bout du royaume à l’autre, tous les jardiniers ont la marotte de couper les feuilles par la moitié, & de mutiler les racines de la même manière. Je n’ai cessé jusqu’à présent de m’élever contre cet abus énorme, & je dirai sans cesse à ces mutileurs impitoyables : Plantez une chicorée telle que vous l’aurez doucement enlevée du lieu du semis, avec toutes ses racines & toutes ses feuilles, & plantez à côté une chicorée mutilée à votre manière, & vous jugerez alors de la différence entre la reprise & la végétation de l’une & de l’autre.

La distance à laisser d’un plant à un autre, dépend de l’espèce de chicorée & de la saison. L’endive de Meaux, la grande scariole de Hollande, ne sont pas trop éloignées à quinze pouces, si on transplante en juillet, parce que leurs feuilles s’étendent beaucoup. Les endives moins volumineuses exigent moins d’espace, & la régence est très-bien à une distance de sept à huit pouces au plus, même transplantée en mai ou juillet. C’est donc au jardinier à connoître ses espèces, afin de savoir de quelle manière il doit replanter.

La chicorée amère se sème en mars dans les provinces du midi, & en avril dans celles du nord, dru & à la volée, si on doit la consommer étant jeune ; clair ou par rayon, si elle doit passer l’année. On peut la replanter, soit en planches, soit en bordures. Si on veut l’avoir tendre & moins amère, il faut la couper souvent ; celle qui a passé l’hiver est d’une très-grande amertume, qu’on peut cependant lui faire perdre en la laissant tremper quelques heures dans l’eau, & en changeant cette eau jusqu’à deux ou trois fois.

De la conduite des Chicorées. Si on serfouit la planche, on est assuré de la voir prospérer. Si on l’arrose souvent & au soleil, la plante réussira mal, & sera couverte de rouille. Cette loi mérite cependant une exception pour les pays chauds, parce que l’irrigation doit être proportionnée à l’évaporation ; mais somme totale, la chicorée craint plus l’humidité surabondante qu’un peu de sécheresse. La meilleure irrigation est celle du soir.

De son blanchîment. Il y a deux manières principales de faire blanchir les chicorées, manières soumises à la saison. La première a lieu dans l’été, & la seconde, aux approches de l’hiver.

Du blanchîment d’été. Lorsque la plante a pris sa pleine croissance, ou si on n’attend pas cette époque