Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/345

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On donne aux bestiaux, en général, les feuilles de choux en nature, & ce n’est pas la plus économique ni la meilleure nourriture. Voici une méthode pratiquée avec le plus grand succès dans plusieurs de nos provinces. Un bétail nombreux suppose un certain nombre de personnes pour le service de la métairie, & un feu presque continuel à la cheminée de la cuisine. Un chaudron de la plus grande capacité est toujours sur ce feu, & à mesure qu’on le vide, on le remplit continuellement avec des feuilles de choux, avec les grosses côtes, les tronçons de ceux qui servent à la nourriture des valets. Il en est ainsi des raves, des navets, des citrouilles, des courges, des autres herbages que l’on consomme. Une certaine quantité d’eau surnage toujours les plantes & leurs débris ; quelques poignées de son & un peu de sel font leur assaisonnement. Lorsque la chaleur & l’eau ont attendri ces herbages, c’est-à-dire, lorsqu’ils sont à moitié cuits, on les retire du chaudron, & on en met une certaine quantité, avec l’eau dans laquelle ils ont cuit, dans des baquets de bois, ou auges : chaque animal a le sien, & une auge doit servir tout au plus à deux. On laisse tiédir cette préparation, avant de la donner soir & matin aux bœufs, aux vaches, aux chèvres, aux agneaux, moutons, &c. Il est peu de nourriture qui les entretienne mieux en chair, & qui augmente plus le lait des vaches, chèvres, &c. Comme ce vaisseau est jour & nuit sur le feu, il profite de toute sa chaleur, & il ne se consomme pas plus de bois dans la métairie, que s’il n’y avoit point de chaudron sur le feu. J’avoue que cette économie bien entendue, nullement embarrassante, & qui met tout à profit, m’a fait le plus grand plaisir à voir. On n’oublie jamais de jeter dans ce vaisseau l’eau grasse que l’on retire après la lavure des vaisselles.


CHAPITRE VI.

Des propriétés alimentaires & médicinales du Chou.


Les auteurs modernes, & même quelques anciens sont peu d’accord sur les qualités des choux. La question paroîtroit décidée, si on s’en rapportoit au témoignage de Pline, qui leur donne la préférence sur tous les légumes appelés verdures. Théophraste, Caton, &c. en font le plus grand cas. On les voyoit figurer sur les tables des Empereurs & du peuple ; cependant ce goût n’étoit pas général. On lit que le fameux Apicius ne les aimoit point ; qu’il en avoit dégoûté Drusus, fils de Tibère, & que cet Empereur eut à ce sujet une querelle avec Drusus. Mais laissons les anciens, & occupons-nous des modernes, sans rapporter ici les opinions pour & contre, qui serviroient seulement à grossir le volume, sans instruire davantage. Je vais parler d’après mon expérience, suivie pendant plusieurs années sur ce sujet.

Les choux forment une bonne nourriture, mais en même temps très- mal-saine, très-venteuse ; & ceci paroît un paradoxe, dont voici la solution.

Les choux d’été sont plus venteux que ceux d’hiver, qui ont éprouvé les gelées. Les choux d’été sont plus