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oignons & des aulx du village de la Tranche, dans le bas Poitou. (Voyez le mot Ail)

M. Bowles, dans son ouvrage intitulé Introduction à l’Histoire naturelle d’Espagne, &c. dit : « J’ai vu chez un gentil’homme de la Reinosa, une manière de cultiver les choux, qui mérite d’être rapportée. Il avoit dans son potager plusieurs pierres plates d’environ trois pieds en quarré, de deux pouces d’épaisseur, & percées au milieu. Il plantoit dans le trou l’espèce de chou qu’on appelle lanta dans le pays. Ce chou y croissoit, & s’étendoit prodigieusement : j’en mangeai, & le trouvai très-tendre & très-délicat. Je crois que cette invention pourroit être fort utile pour les légumes, & même pour les arbres qui languissent, faute d’être humectés dans les pays chauds & secs. Ces pierres empêcheroient l’évaporation de l’humidité, & conserveroient à la terre sa fraîcheur. »

Sur le témoignage de M. Bowles, j’ai répété l’expérience dans mon jardin, près de Béziers, & il faut observer que, depuis le 16 mai jusqu’au ier. septembre, il n’est pas tombé une seule goutte de pluie, & que les chaleurs s’y sont soutenues comme à l’ordinaire, c’est-à-dire, fortes.

Ne pouvant me procurer les pierres plates dont il est question, j’ai fait faire des carreaux de neuf pouces de largeur, sur autant de longueur, & d’un pouce d’épaisseur ; les uns troués dans le milieu, sur une étendue de vingt à vingt-quatre lignes, & les autres très-entiers. Le devant de la planche étoit garni de carreaux non troués, ainsi que ses alentours. Sur le second rang, étoit placé un carreau troué, & un carreau non troué à côté ; de manière que les carreaux troués se trouvoient toujours entre quatre carreaux entiers, & par conséquent chaque pied de chou devoit se trouver espacé de dix-huit pouces. Après avoir bien fait défoncer & fumer le terrein, je plantai trente choux fleurs ou brocolis, sur la fin d’avril : ils furent légèrement arrosés après la plantation, afin de xerrer la terre contre les racines ; &, depuis cette époque, ils n’ont pas eu une seule goutte d’eau, sinon celle de la pluie tombée le 16 mai, qui ne pénétra pas la terre à six lignes de profondeur.

La reprise fut lente, parce que la chaleur du soleil, réfléchie par les carreaux sur les tiges & les feuilles, les affectoit vivement : enfin ils reprirent.

Les courtilières, dont j’ai trouvé mon jardin rempli en arrivant dans ce pays, & sans doute plusieurs autres insectes ont attaqué ces choux dans la partie de la tige qui touchoit le carreau. Dix ont été entièrement détruits : les vingt qui subsistent dont quelques-uns ont été également attaqués par les insectes, ont bien poussé, & j’espère qu’ils donneront les premiers choux fleurs du jardin ; mais la vérité exige que j’annonce que ces choux ne sont point aussi beaux, aussi forts que ceux mis dans une planche voisine, pour servir de pièce de comparaison, & qui ont été très-fréquemment arrosés par irrigation, c’est-à-dire, copieusement. Malgré cette comparaison, on peut dire que ces choux ne sont pas laids.

J’ai préféré planter des choux fleurs à des choux pommes quelconques,