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Espagne. Je ne nie pas le fait ; mais, comme ce zélé citoyen ne donne aucune preuve de son assertion, je ne vois pas qu’elle soit démontrée.

À l’article Pommier, je parlerai de la culture & des espèces de pommiers à cidre. Il ne sera ici question que de la manière de préparer cette liqueur. Je dois à M. d’Ambournai, secrétaire de l’Académie des Sciences de Rouen, si connu par son goût &c ses travaux sur l’agriculture, les détails que je vais publier, ainsi qu’à l’ouvrage de M, de Chambray, parce que je n’ai jamais été dans le cas de faire du cidre. Comme le premier a écrit dans le nord de la province, & l’autre au midi, je crois ce rapprochement de manipulation utile.

I. De la cueillette du fruit. M. d’Ambournai conseille de cueillir à la fois, & par un beau temps, toutes les pommes qui sont mûres ensemble, & d’en former, sous un toît, un tas commun, supposé qu’il n’y ait pas, dans leur goût particulier, des différences qui n’en permettroient pas le mélange.

M. de Chambray dit que si les plants sont enclos de haies ou de fossés capables de les garantir de l’approche des bestiaux, la meilleure façon est de laisser mûrir les pommes sur l’arbre, au point que la plus grande partie tombe d’elle-même ; après quoi, en secouant les branches des arbres, le reste tombe sans effort. Par ce moyen, l’arbre n’est point battu avec la gaule ; le bourgeon, qui doit produire l’année suivante, n’est point détruit, les arbres rapportent plus souvent & davantage. On laisse ces pommes sous les arbres, elles y mûrissent ; & lorsque le tout est tombé, on pose les pommes dans des bâtimens, pour les piler lorsqu’elle sont a leur vrai point de maturité. Il ne faut jamais transporter les pommes dans les bâtimens, lorsqu’elles sont mouillées par la pluie ou par la rosée : cela, les fait noircir, pourrir, & ôte la qualité des cidres. Pour les pommes qui ont mûri sur les arbres, si elles sont à leur juste point, on peut les porter tout de suite sous la roue du pressoir. Au mot Pressoir, je décrirai celui dont on se sert à cet usage.

M. d’Ambournai veut, comme il a été dit, que les pommes soient amoncelées en un seul tas, s’il est possible ; qu’elles ressuent ainsi amoncelées ; qu’elles exhalent une forte odeur de fruit, & qu’on en trouve un peu de noires & de pourries. Si je juge par comparaison du raisin avec les pommes, je ne vois pas l’avantage qui résulte des pommes pourries. J’ai trouvé, à tous les cidres que j’ai bu, & même aux plus renommés des environs de Rouen, un petit goût de pourri, dont ne s’apperçoivent pas les habitans du pays, à cause de l’usage journalier de cette boisson, mais très-sensible pour ceux qui n’y sont pas accoutumés. Lorsque le cidre est mousseux, c’est-à-dire, lorsque son air de combinaison, ou air fixe, (voyez ce mot) tend à se dégager, alors le petit goût de pourri est plus masqué ; cependant il est bien sensible.

M. de Chambray conseille de ne pas mêler, dans les bâtimens, les pommes avancées avec les tardives : les unes seroient trop mûres, & même pourries, que les autres seroient encore vertes ; il n’en résulteroit qu’un jus imparfait. On a donc soin de porter dans chaque grenier les