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mauvaise boisson. Au contraire, avec ces soins, on fait des cidres divers, mais bons chacun dans leur genre. Les uns sont prêts à boire dans trois mois, les autres se gardent pendant deux ou trois années, s’ils sont entonnés dans de grosses futailles. Au reste, il faut juger par les pommiers qui existent dans le pays, quelles sont les espèces auxquelles le terrein convient le mieux, & s’y borner dans la plantation en grand ; mais il est bon d’en planter une petite quantité, pour essayer d’ennoblir la qualité par des greffes des meilleures pommes des pays éloignés. Tel est l’avis de M. d’Ambournai.

M. des Pommiers, dans son Livre, intitule, l’Art de s’enrichir promptement par l’Agriculture, dit que les pommes d’un doux-amer, quelques-unes un peu aigres, sont les seules propres à donner de bon cidre. M. de Chambray observe à ce sujet, que les normands estiment seulement les pommes douces & amères-douces, & qu’ils regardent les pommes un peu aigres comme contraires à la bonne qualité du cidre. Si cette assertion est vraie pour toute la Normandie, il paroît probable que M. des Pommiers aura été séduit par le témoignage d’Olivier de Serre, qui s’exprime ainsi dans l’ouvrage déjà cité : « Remarquera-t-on curieusement ceci, que de ne confondre les espèces de pommes en leur emploi ; ainsi distinguer les douces d’avec les aigres, pour de chacune à part en faire des sidres séparés, tant pour la bonté, que pour la durée. En quoi il y a matière pour s’employer avec contentement, pour l’abondance des pommes que Dieu a données de ces qualités, douce & aigre, y des deux sortans boissons séparées, chacune requise à la maison pour la diversité du traitement. Ainsi les pommes douces donneront du sidre pour la première table : & les aigres qu’en Normandie on appelle sures, pour la seconde, dont toute la famille sera accommodée. Joint que la longue durée du sidre sortant de ces pommes-ci, fait que la boisson en est quelquefois opportunément recherchée pour les plus délicates personnes ». Il est donc clair que, du temps d’Olivier de Serre, à la fin de 1500, on faisoit en Normandie du cidre avec les pommes aigres. L’expérience a sans doute démontré aujourd’hui qu’il est plus avantageux d’employer seulement les pommes douces, & les pommes douces amères.

Le mélange de diverses pommes produit souvent d’excellent cidre ; mais, comme les noms particuliers de chacun de ces fruits varient d’un village à l’autre, on ne peut les désigner positivement. Il seroit intéressant de faire des essais presque partout, en pièces au moins de cent pots. Il convient de tenir une note exacte des quantités & qualités de chaque fruit, pour adopter en grand le mélange qui aura le mieux réussi.

III. De la façon de faire le cidre. Chacun a la sienne, dit M. d’Ambournai, & la vante comme la meilleure ; mais toutes se réduisent aux conditions suivantes :

1°. De bien faire triturer les pommes dans quelque machine que ce soit, propre à cette opération en grand, en y ajoutant un peu d’eau, c’est-à-dire, environ quatre pots par somme de cheval ;

2°. De laisser, environ pendant six heures, le marc dans une grande