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bords de la mer n’ont qu’une eau saumâtre ; enfin, combien d’habitations, placées sur des lieux élevés, sont obligées d’aller au loin & à grands frais chercher une eau si nécessaire à la vie ! Les hollandois, les flamans-françois & autrichiens, au milieu de leurs marais, de leurs canaux, boivent une eau salubre, lorsqu’ils ont des citernes.

Ce n’est pas assez de considérer l’importance de la boisson pour ï’homme, il faut encore songer à celle des bestiaux ; ces animaux sont souvent forcés à aller chaque jour pendant l’été à une & même à deux lieues chercher l’eau croupie d’une mare ; & j’ai eu la douleur de voir des endroits ou l’on faisoit payer, chaque jour, deux sols par tête d’animal. Les citernes préviendroient ces inconvéniens, & fourniroient pendant toute l’année une boisson saine pour l’homme & pour les bestiaux.

On a longtemps agité cette question : l’eau de ta pluie est-elle salubre ? il valoit autant demander, si l’eau distillée étoit pure ? L’eau de pluie est une vraie eau distillée, sublimée par la chaleur, & soutenue en vapeurs dans les nuages qu’elles forment ; c’est la meilleure eau connue, la plus pure, la moins imprégnée de corps étrangers, & la plus saine pour la boisson.

Cette assertion mérite cependant des restrictions. La première pluie qui tombe après une sécheresse, pendant un orage, n’a pas les qualités bienfaisantes des eaux de pluie de l’hiver, du printemps & de la fin de l’automne ; non, parce qu’elles contiennent en elles-mêmes quelque chose d’impur, mais parce qu’en traversant l’atmosphère, elles entraînent & s’imprègnent des exhalaisons élevées de terre, suspendues dans cette atmosphère : de telles eaux ne doivent point être reçues dans les citernes. Il n’en est pas ainsi de celles qui succèdent à l’orage, parce que l'atmosphère est épurée, les toits des maisons sont lavés, & toutes les ordures accumulées dans les tuyaux, & les chanées de fer blanc sont entraînées. Le fauxbourg de Lyon, appellé de la Croix-Rousse, n’a d’autre eau pour boire que celle recueillie des toits & conduits dans les citernes ; cependant ce fauxbourg est composé de plus de six mille ames. Palladius dit en parlant des citernes : « L’eau du ciel est si préférable à toutes les autres pour servir de boisson, que quand on pourroit s’en procurer de courante, on ne devroit l’employer qu’aux savoirs & à la culture des jardins. Liv. 1, chap. 17. »

Il est inutile de garnir le fond des citernes avec du sable ; les vents y entraînent toujours un peu de poussière, quoiqu’on les tienne fermées : cette poussière se précipite, & forme un limon qui se mêle avec le sable, & avec l’eau lorsqu’elle est agitée par celle qui tombe. Il vaut mieux nettoyer plus souvent le fond de la citerne, & toutes les fois surtout qu’elle est à sec.

Il est prudent de ménager un dégorgeoir dans le haut de chaque citerne, & ce dégorgeoir doit répondre à Un puits perdu, ou à un chemin, &c., afin que si on n’a pas eu le temps ou la précaution de détourner les eaux lorsque la citerne est pleine, il n’arrive point d’inondation, point de dégât, &c.

Quelle grandeur doit avoir une citerne, pour fournir aux besoins d’une