Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/417

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provient simplement de la contraction occasionnée accidentellement aux nervures principales & particulières des feuilles. La même observation a lieu pour les melons, les laitues, les lilas, &c., & je ne vois pas comment des vents du sud-ouest peuvent apporter avec eux des exhalaisons contagieuses, à une époque à laquelle l’air de l’atmosphère est toujours salubre. D’ailleurs, si la cloque dépendoit de ces exhalaisons, ou du passage subit du chaud au froid, ou du froid au chaud, toutes les feuilles d’un même arbre devroient à la fois être cloquées ou brûlées : il est de fait que souvent il reste une branche saine, entre deux branches qui ne le sont pas ; & quelquefois la moitié de l’arbre est cloqué, & le reste conserve son état de santé. On ne peut pas dire que la sève qui monte dans la branche cloquée, soit différente de celle de la branche voisine, & non cloquée. C’est partout la même sève, mais elle se vicie dans celle-là ; & elle ne l’est pas dans le réservoir de la greffe, dans le corps de l’arbre, ni dans les racines. La cloque est donc une maladie purement locale, qui ne dépend pas de masse générale des humeurs de la plante.

On examine la cloque lorsque le mal est consommé, ou lorsqu’il est déjà avancé. Ce n’est pas prendre la nature sur le fait. Je prie mes lecteurs d’observer, 1.o que jamais, dans les vingt-quatre heures, l’arbre entier n’est cloqué dans toutes ses parties ; (au moins je n’ai rien vu de semblable) 2.o que le mal gagne de proche en proche, & successivement ; 3.o que, si l’on observe bien attentivement, on verra des arbres cloqués sans qu’il y ait eu des vents de galerne ; 4.o qu’ils le sont lorsque la chaleur de l’atmosphère a été pendant quelques jours au-dessus du sixième degré du thermomètre de Réaumur. Celle d’un seul jour est souvent suffisante.

On ne voit jamais de feuilles décidément cloquées sur un arbre, sans rencontrer, dans leurs replis, de petits pucerons, & presque toujours des fourmis. Celles-ci accourent afin de partager le butin, & sucer l’eau miellée qui exsude des pores des feuilles ; mais elles ne sont point la cause du mal. Les petits pucerons dont j’ai parlé, sont armés d’une petite trompe, avec laquelle ils percent les nervures, soulèvent l’épiderme de la feuille, déposent leurs œufs dans le parenchyme contenu entre l’épiderme supérieur & l’inférieur, & enfin ils vivent du suc extravasé. Ces œufs sont assez visibles dans les vésicules qui se forment sous l’épiderme ; ils y éclosent, donnent un ver ; ce ver y subit différentes métamorphoses ou changemens de peau ; il se change en chrysalide, enfin devient insecte parfait, c’est-à-dire, puceron. Comme sa vie est de très-courte durée, le passage de l’état d’œuf à celui de ver, & de ver à celui de chrysalide ; enfin, à celui d’insecte est dans les mêmes proportions ; sa multiplication est prodigieuse. Dès que la partie des feuilles d’un bourgeon est successivement peuplée de vers, les pucerons gagnent les feuilles voisines, & se partagent les héritages, de manière qu’en très-peu de temps les bourgeons sont presque tous attaqués à la fois. J’ai vu des pontes se succéder, sans interruption, jusqu’à la fin de Juin.