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Ce sont autant de phénomènes difficiles à expliquer. Il ne paroît pas cependant probable que les œufs soient apportés par des tourbillons de vents. La prévoyance des insectes pour assurer la conservation de leur espèce, est admirable, & ils n’attendent surement pas qu’un coup de vent très-accidentel, les porte directement sur un pêcher, & non sur un coignassier, ou sur tel autre arbre qui ne fourniroit pas à leur nourriture. La nature ne se conduit pas ainsi, & le hasard n’a jamais dicté ses loix.

D’après cet exposé, il est aisé de rendre compte du changement de couleur de la feuille, & de l’augmentation de volume du sommet du bourgeon.

L’insecte a commencé par piquer la feuille, afin de faire extravaser le suc & s’en nourrir ; il a songé ensuite à sa reproduction, à donner un asyle assuré à ses œufs, & une nourriture abondante aux vers qui en sortiront. Tout cet appareil ne sauroit exister sans que la feuille en souffre ; elle s’est contractée en tout sens en suivant la disposition de la nervure : elle n’a donc pas pu se débarrasser, par ses pores, de la matière de la transpiration, quoique l’eau miellée formât une grande partie de la sève. La matière de la sueur n’est pas la matière de la transpiration : ces deux sécrétions sont bien différentes. Dès-lors il y a eu obstruction & embarras ; le parenchyme s’est vicié : de vert qu’il étoit, il est devenu jaune blanchâtre ; & l’épiderme, sans couleur par lui-même, a présenté à nos yeux une surface blanchâtre, &c.

Quant au renflement du sommet du bourgeon, il a été formé par une affluence de sève qui n’a pu s’échapper par la transpiration des feuilles, s’y est accumulée, & n’a pu redescendre vers les racines.(Voyez les mots Ascension, Circulation, Sève.)

La cause de la cloque une fois déterminée, le remède l’est-il également ? C’est ce qu’il faut examiner. Pour cela, écoutons encore parler M. de la Ville-Hervé.

« À Montreuil on ne connoît d’autre remède à la cloque, que de laisser agir la nature sans toucher aux arbres, ni aux feuilles cloquées qu’on laisse tomber d’elles-mêmes. On attend patiemment que les nouvelles soient venues, & que les bourgeons, après s’être réunis, soient suffisamment alongés pour être palissés. Les arbres se débarrassent seuls de tous les bourgeons desséchés. En 1749, nombre de leurs pêchers, dont je désespérois presque, se sont remis d’eux-mêmes, & étoient en juillet aussi pleins & aussi verts que ceux que la cloque avoit épargnés.

« La cloque, disent les montreuillois, a fait pâlir les arbres. La première sève qui a coulé inutilement leur a occasionné un épuisement. Leur faire alors pousser de nouveaux jets, c’est leur demander au-dessus de leurs forces actuelles. Mais laissez-les se remettre de leurs fatigues, donnez le temps aux racines de travailler pour envoyer à la tige & aux branches de nouveaux sucs, attendez qu’ils soient en état de les cuire & de les faire circuler au renouvellement de sève, permettez aux parties relâchées & affaissées de reprendre leur jeu & leur ressort ; alors la nature travaillant à loisir à réparer ces accidens, le mécanisme se rétablira peu à peu. »