Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/463

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l’été est de vingt degrés du thermomètre de Réaumur.

On sait aujourd’hui que les marais produisent beaucoup d’air inflammable & d’air fixe ; (voyez ces mots) que tous les deux vicient l’air atmosphérique ; que l’air atmosphérique que nous respirons, contient seulement un tiers, & même un quart d’air pur ; que le reste est de l’air fixe, ou air mortel. On doit donc juger combien il s’en exhale de ces gouffres de putridité, par le piétinement, sans cesse renouvelé, des animaux. La preuve vient malheureusement trop ici à l’appui du raisonnement : jetez un coup d’œil sur le visage pâle & plombé des hommes, des femmes, des enfans, habitans près de ces marais ; ils sont rongés, dévorés par une fièvre presque continuelle, & le ventre des enfans est ballonné comme une vessie. L’hiver, par-tout si redouté dans les campagnes, arrive toujours d’un pas trop lent au gré de ces malheureux : il suspend les maux qui les abyment ; mais leur fureur se ranime avec la chaleur du printemps. Ce tableau n’est point exagéré : je décris ce que j’ai vu en cent lieux très-éloignés les uns des autres. La conséquence à tirer de ce que je viens de dire, se réduit à ce problème : vaut-il mieux conserver, pour le bien de l’état, de mauvais pâturages, destinés à de très-mauvais troupeaux, ou sacrifier les hommes à la conservation de ces troupeaux ?

III. Des bois. Que l’on me montre, dans tout le royaume, une seule forêt en communaux, en bon état, à moins qu’elle ne soit directement sous la jurisdiction des eaux & forêts ; & je passe condamnation sur son utilité. Si c’est un taillis où chaque habitant ait le droit de couper du bois de chauffage, il sera bientôt dévasté, & plus surement encore dévasté & détruit, si le troupeau a la liberté d’y aller. Il ne faut encore ici que les yeux pour juge ; & tout voyageur qui découvre de tels taillis, n’est pas dans le cas de demander à qui ils appartiennent. Sur une route de 150 lieues dans le royaume, je ne me suis trompé qu’une fois : la cause de mon erreur fut que le bien étoit, depuis plus de dix ans, en décret ; & il y a des siècles que l’état des taillis communaux est quelque chose de pire que le décret. Encore un coup de pinceau, & on jugera, par comparaison, si les communaux sont utiles. J’emprunte ce que je vais dire, d’un excellent ouvrage intitulé : Traité des Communes, imprimé à Paris, en 1779, chez Colombier. Il est fâcheux que l’auteur n’ait pas mis son nom ; tout ami de l’avancement & des progrès de l’agriculture lui doit de la reconnoissance, & plus encore les pays à communaux, si leurs habitans entendent leurs véritables intérêts. Ce bon patriote va parler.

« Pour connoître non-seulement les vices d’administration de ces biens, mais les effets qu’ils produisent dans la société, relativement à leur état actuel, il faut calculer les effets, non-seulement par rapport aux communautés qui les possèdent, mais encore par rapport à l’état en général.

» Ces mêmes effets ne peuvent être connus que par des comparaisons du nombre des habitans, de leurs facultés, & de la quantité de bestiaux dans les villages qui ont des biens communs, & dans ceux qui n’en ont pas, en proportion, néanmoins, de la quantité d’arpens