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Seconde Question.

Est-il possible de rendre les Communaux plus utiles ?

On appelle les communes, le patrimoine des pauvres, & il faudroit plutôt les appeler le patrimoine des riches, puisqu’à nombre égal de feux, la proportion sera, pour ceux-ci, de 500 bêtes contre 30 ou 40 de ceux-là. Quant aux bêtes blanches, la proportion est encore plus forte en faveur des riches.

La loi défend de couper l’herbe des communes, autrement qu’à la faucille, & d’en emporter chez foi plus d’une brassée. La loi est sage, mais inutile, puisque cette herbe à couper est toujours rase. Le pauvre n’a que cette ressource, & le riche possède des prairies qui lui assurent des fourrages abondans.

La prairie commune est-elle mise en réserve, pendant le printemps, afin d’en vendre le fourrage ? le pauvre reçoit, comme par charité, ce que le riche daigne lui laisser ; & souvent les formalités à remplir par les communautés, & les frais de régie absorbent la valeur du produit. Les loix les plus sages n’empêcheront jamais que le pauvre ne soit toujours pauvre, à moins que cet artisan, ce misérable journalier, dont toute la richesse est dans ses bras, ne devienne propriétaire en titre. Le partage des communes peut seul ramener, non pas l’abondance, mais le bien-être au sein de cette classe si nombreuse d’indigens. Est-il possible qu’un journalier, gagnant vingt sous par jour, & nourrissant sa famille sur ce modique salaire, puisse jamais devenir propriétaire ? S’il n’est pas attaché à la glèbe par la propriété, il est indifférent pour lui de vivre dans son village, ou ailleurs : dès-lors il l’abandonne, accourt dans les villes, pour échanger ses mœurs simples, & semblables à son habit, contre les vices & la livrée chamarrée des laquais. C’est ainsi que, de jour en jour, le nombre des travailleurs diminue dans nos campagnes : mais que cet homme devienne propriétaire, il ne les abandonnera pas : les exemples d’une pareille émigration sont très-rares, & supposent l’émigrant un très-mauvais sujet, dont la paroisse est fort heureuse d’être débarrassée.

Il faudrait partager les communes, en raison des impositions payées par les contribuables : en ce cas, ce qu’on appelle le patrimoine des pauvres, deviendroit plus surement le patrimoine des riches. Le soutien de l’état n’est pas qu’il y ait de très grands tenanciers, mais une grande multitude de tenanciers. Les seigneurs de terres, aujourd’hui plus clairvoyans sur leurs intérêts, commencent à ne plus affermer leurs possessions à un seul homme : ils opèrent, comme auroit opéré le fermier unique ; ils divisent & subdivisent les lots, & afferment en détail, à beaucoup plus haut prix que celui offert par le fermier général, & jouissent du bénéfice qu’il auroit retiré. Il en est ainsi pour l’état, dont la véritable richesse consiste dans la multiplication des familles aisées, & dans l’abolition de l’indigence : l’indigent ressemble aux plantes parasites ; elles ne peuvent vivre sans le secours d’autrui. Le tiers des communes appartient presque par-tout au seigneur. C’est son bien, son patrimoine ; ce sont ses