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mortier. (Voyez ce qui a été dit à l’article Chaux)

2°. En leur faisant éprouver un degré de chaleur capable de pénétrer leurs parties, sans les convertir en chaux ;

3°. En les portant sur le champ, telles qu’on les retire de la mer.

Par la première méthode, le champ est engraissé aussitôt : par la seconde, l’opération est plus longue ; il l’est dans l’année même, parce que la chaleur imprimée à la substance de la coquille, commence à détruire le lien d’adhésion de ses parties, & peu à peu l’air, la pluie, &c. en isolent chaque partie : enfin, par la troisième, l’engrais s’établit insensiblement, à la longue & d’année en année, par la décomposition de la coquille. Je préférerais cette dernière méthode pour nos provinces méridionales, & sur-tout pour les terreins peu riches en végétaux, & dont le sol a peu de ténacité. De ces principes de théorie, venons à la pratique qui doit les confirmer : je vais emprunter les expériences suivantes du Journal économique du mois d’août, année 1743. Cet article a été tiré des Journaux anglois. Le mémoire est intitulé : Manière d’engraisser les terres avec des coquillages de mer, dans les provinces de Londonderry & de Donnegall en Irlande, publiée par l’Archevêque de Dublin. « Sur la côte de la mer, l’engrais ordinaire consiste en coquillages : vers la partie orientale de sa baie de Londonderry, il y a plusieurs éminences que l’on apperçoit presque dans le temps de la marée basse : elles ne sont composées que de coquillages de toutes sortes, sur-tout de pétuncles, de moules, &c. Les gens du pays viennent avec des chaloupes, pendant la basse eau, & emportent des charges entières de ces coquillages : ils les laissent en tas sur la côte, jusqu’à ce qu’ils soient secs ; ensuite ils les emportent dans des chaloupes, en remontant les rivières, & après cela, dans des sacs sur des chevaux, l’espace de six à sept milles dans les terres : on emploie quelquefois quarante, jusqu’à quatre-vingts barils pour un arpent. Ces coquillages font bien dans les terres marécageuses, argileuses, humides, serrées, dans les bruyères ; mais ils ne sont pas bons pour les terres sablonneuses. Cet engrais dure si longtemps, que personne n’en peut déterminer le terme : la raison en est vraisemblablement, que les coquillages se dissolvent tous les ans, petit à petit, jusqu’à ce qu’ils soient entièrement épuisés ; ce qui n’arrive qu’après un temps considérable, au-lieu que la chaux opère tout d’un coup ; mais il faut observer que le terrein devient si tendre en six ou sept ans, que le blé y pousse trop abondamment, & donne de la paille si longue, qu’elle ne peut se soutenir. Pour lors, il faut laisser reposer la terre un an ou deux, afin de ralentir sa fermentation, & d’augmenter sa consistance ; après quoi la terre rapportera, & continuera de le faire pendant vingt ou trente années. Dans les années où on ne laboure point la terre, elle produit un beau gazon, émaillé de marguerites ; & rien n’est si beau, que de voir une montagne haute & escarpée, qui, quelques années auparavant, étoit noire de bruyères, paroître tout d’un coup couverte de fleurs & de verdure. Cet engrais rend le gazon plus fin, plus