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la vérité, elles offrent pour un moment de nouvelles nuances qui séduisent par leur apparition, sans plaire par leur agrément. C’est ainsi que les feuilles des peupliers, de l’érable, des tilleuls, passent à un très-beau jaune avant que de tomber, & celles des cornouillers, de la vigne, des sorbiers, des ronces, acquièrent un rouge extrêmement vif. Les feuilles de quelques plantes éprouvent le même sort, comme celles du millepertuis, du géranium ou bec de grue robertin, de la renouée liserone, &c. &c.

Ce que nous avons dit précédemment, démontre assez clairement que tous ces passages sont dus aux différens degrés, comme aux différentes espèces de fermentations que la matière colorante éprouve dans le parenchyme, depuis le moment de la naissance de la feuille ou de la fleur, ou du fruit, jusqu’à son entier desséchement. Une preuve assez convaincante nous est fournie par l’altération que les chenilles mineuses des feuilles nous présentent. Elles s’introduisent dans l’épaisseur d’une feuille, & rongent insensiblement tout le parenchyme, sans attaquer l’épiderme, ni les nervures ou fibres ligneuses. Par cette opération, elles découpent très-joliment une feuille, mais lui enlèvent absolument tout ce qui peut lui donner de la couleur ; aussi n’en change-t-elle plus, & quelle que soit son espèce, le réseau qui reste ne prend ni la couleur jaune, ni la couleur rouge dont certaines feuilles sont susceptibles en vieillissant.

Il ne faut pas croire que, dans ce systême, la lumière ne soit pour rien. Elle joue un très-grand rôle ; c’est sa combinaison avec la matière colorante qui hâte sa fermentation, & qui seule, peut-être, la fait monter au degré nécessaire, pour produire telle ou telle couleur. Mais il ne faut pas penser aussi qu’elle est la cause unique de la coloration des plantes ; puisque l’analyse chymique retrouve les matières colorantes extractives & résineuses dans les plantes étiolées, comme dans celles qui ne le sont pas. La lumière est un principe conservant & développant des plantes, comme l’air est un de leurs principes nourrissans ; aussi son absence produit-elle toujours une maladie assez grave, l’étiolement. (Voy. ce mot)

La lumière & la fermentation naturelle ne sont pas les seules causes qui font changer les couleurs des fleurs & des plantes : la chaleur, le climat, le terrein, la culture ont souvent la plus grande influence ; nous le voyons tous les jours dans nos jardins. La variété infinie des oreilles d’ours, des renoncules, des tulipes, des anémones, &c. n’est due qu’aux soins que les fleuristes & les amateurs ont mis à les cultiver. On a tenté différens moyens de colorer les fleurs artificiellement sur plantes, par des teintures dont on les arrosoit ; mais ces essais ont toujours été assez infructueux, pour qu’on ne pût pas y compter. Laissons faire la nature : merveilleuse dans ses productions, elle se joue dans les nuances variées dont elle colore les plantes. Élevons & cultivons avec soin les heureux hasards qu’elle nous offre, & nous multiplierons nos richesses.

Après avoir parlé des couleurs des plantes, ce seroit ici le lieu de dire quelque chose sur les panachures