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2°. parce que si elles étoient ensemencées plutôt, la terre se durciroit ; les racines auroient alors beaucoup de peine à s’étendre. Il ne sème point trop tard, afin que les plantes aient le temps de se fortifier & de résister aux rigueurs de la saison.

M. Tull prévient l’objection qu’on peut lui faire relativement à la nouvelle méthode qu’il fait dans l’exploitation des terres, qui ne sont jamais une année sans donner une récolte en grains hivernaux ou en grains de mars. Pour semer des grains hivernaux, il a établi en principe, qu’il falloit préparer la terre par quatre labours faits dans des saisons où la terre doit être vide : en suivant cette méthode, il ne seroit donc pas possible de semer tous les ans du froment dans la même pièce de terre. M. Tull répond, qu’il n’exige ces quatre labours de préparation, que pour les terres qu’il veut soumettre à sa nouvelle méthode. Ses principes adoptés & mis en pratique, la terre des plates-bandes, qu’on a labourée pendant la végétation des plantes dans les billons, se trouve bien ameublie par tous les labours de culture qu’on a faits ; de sorte qu’elle est en état d’être ensemencée après un ou deux labours de préparation, qui disposent la terre en billons ou en planches. Si l’on veut, au contraire, semer des grains de mars, on a encore plus de temps pour préparer la terre, puisqu’on ne sème qu’après l’hiver.

M. Tull pense qu’il faut employer plus de semence dans les terres légères, que dans celles qui sont fortes, parce qu’elle talle davantage dans ces dernières que dans les autres. Si le blé est trop épais dans une terre forte, il est exposé à verser : quand il est trop clair dans un terrein léger, les mauvaises herbes prennent le dessus & l’étouffent. Il se règle encore sur la légèreté & la ténacité du sol, pour enterrer la semence plus ou moins profondément : il ne la recouvre que d’un pouce dans une terre forte, & de deux ou trois, quand elle est légère, parce qu’elle est plus sujette que la première à laisser évaporer l’humidité nécessaire au développement du germe & à la végétation des plantes.

À la fin de l’hiver, on fait labourer les plates-bandes, en ayant l’attention de faire verser la terre du côté des plantes : quelquefois on fait donner un labour, même avant l’hiver, dès que les plantes ont poussé quelques feuilles. Si la terre est trop battue quand le blé commence à monter en tige, on donne un second labour ; un troisième, lorsque le grain est prêt à se former dans l’épi : souvent on laboure une quatrième fois, sur-tout si les mauvaises herbes poussent avec vigueur. Il proportionne le nombre des labours à la qualité du terrein : il fait labourer plus souvent ceux qui sont sujets à produire beaucoup de mauvaises herbes, & moins ceux qui en produisent peu. Un terrein léger est plus souvent cultivé qu’un autre qui est fort, pour le mettre plus en état de profiter de la pluie & des rosées.

Lorsque la moisson est faite, les plates-bandes sont changées en planches ou en billons, pour être ensemencées tout de suite : ayant reçu plusieurs labours de culture pendant la végétation des plantes, la terre se trouve suffisamment remuée pour être en état de recevoir la semence.