Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/611

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prés. » Cette manière de cultiver a le plus grand succès, suivant notre auteur, en Italie & dans le Tirol, où l’on voit de vastes campagnes, dans lesquelles les arbres de toute espèce, la vigne, toute sorte de grains, les légumes, les herbes des prés, &c. végètent en même temps.

M. Fabroni, pour exciter le cultivateur à suivre la méthode qu’il voudroit introduire, ne se contente pas de nous offrir le tableau de la pratique suivie en Italie & dans le Tirol ; il perce dans l’antiquité la plus reculée, pour nous montrer les avantages de ses principes. Quand on a lu les ouvrages de Pline, on n’ignore pas la prodigieuse fertilité du terroir de Tucape : selon notre auteur, elle étoit une suite des principes de culture qu’il veut établir. Ce pays, dont l’étendue n’avoit qu’une lieue de diamètre, étoit situé dans des sables, entre les Syrtes & la ville de Neptos : ses habitans étoient parvenus, par leur industrie, à changer la nature de ce terrein sablonneux, & l’avoient rendu très-fertile. « Ils avoient, dit M. Fabroni, d’abord mêlé les herbes aux arbres, & ils les avoient distribués suivant l’ordre de leur hauteur. Le palmier, le plus grand de tous les végétaux, étoit en premier lieu ; le figuier étoit planté sous son ombrage ; l’olivier venoit ensuite ; après celui-ci, le grenadier ; & enfin la vigne. Au pied de la vigne, on moissonnoit le blé ; à côté du blé, on y cultivoit les légumes ; & après les légumes, les herbes potagères ». Notre auteur observe, d’après le récit de Pline, que toutes ces productions multipliées donnoient une abondance dont on ne peut pas se former une idée, quand on ne connoît que les procédés de notre agriculture. En parlant de la fertilité de Tucape, Pline ne fait aucune mention des labours, des fumiers, ni des jachères : si ce peuple heureux, vivant dans l’abondance, eût fait usage de ces moyens, l’auteur latin étoit trop exact pour les laisser ignorer.

La manière dont les plantes attirent les sucs nécessaires à la végétation, devroit, suivant M. Fabroni, servir de règle pour établir les principes qu’il convient de suivre en agriculture. Il est persuadé que la plupart des auteurs anciens & modernes se sont trompés touchant la nutrition des plantes. Les uns ont considéré les racines, comme les seuls organes qui pompoient, & transmettoient au corps de la plante, les sucs nourriciers : d’autres ont pensé que les substances terreuses, atténuées par les labours, fournissoient la seule nourriture analogue à la végétation. Ces erreurs, selon lui, ont donné lieu aux labours, aux jachères, aux engrais, afin de prévenir l’épuisement de la terre, ou de réparer ce qu’elle avoit perdu de sa substance. Notre auteur, au contraire, par une suite d’expériences qu’il a faites, est persuadé que toutes les parties extérieures des végétaux reçoivent des sucs qu’ils transmettent au corps de la plante ; que les véritables principes de leur vie sont l’air inflammable, l’élément de la lumière absorbés par les feuilles, l’eau & l’air fixe, (voyez ces mots) pompés par les racines & les autres parties extérieures des plantes. L’air fixe & l’air inflammable proviennent du gas aériforme, qui se développe des substances en putréfaction. Suivant