Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/62

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laisser au laboureur sa charrue, quand on peut lui en procurer une plus convenable à la qualité du sol qu’il a à cultiver. Qu’importe, dit M. Liébaut, comme soit le couteau, pourvu qu’il coupe le pain ; voulant dire que la forme de la charrue est indifférente pourvu qu’elle cultive la terre. Je dirai aussi à son exemple, qu’on doit peu s’occuper de la forme de la charrue, pourvu qu’elle fouille, remue & divise la terre comme il faut. Mais encore une fois toutes les charrues ne sont point propres à produire ces effets.

Il y a tout lieu de croire que du temps de Virgile, l’Agriculture romaine ne connoissoit qu’une espèce de charrue que nous pouvons comparer, d’après ce qu’il en dit dans son premier livre des Géorgiques, à l’araire de Provence, que connoissent presque tous les agriculteurs. Cette charrue, trop légère pour des terreins forts, exigeoit un attelage considérable, encore ne pouvoit-elle donner qu’une culture imparfaite à un sol qui ne demande qu’à être médiocrement cultivé pour produire les moissons les plus abondantes. Pline le naturaliste ne s’explique pas mieux que Virgile au sujet de la charrue : le détail qu’il fait des pièces dont elle est composée se rapproche absolument de ce qu’en dit Virgile : il eût pu nous faire connoître la charrue égyptienne & athénienne, qui, selon toute apparence, différoit peu de la charrue latine. Dans bien des cantons de l’Italie, & sur-tout dans la Campagne de Rome, cet instrument de culture est encore aujourd’hui très-imparfait : ce n’est presque qu’à la fertilité & à la bonté du terrein qu’on est redevable des récoltes abondantes qu’il produit.

Le coutre que nous adaptons à nos fortes charrues étoit connu anciennement ; Virgile n’en fait aucune mention dans le détail qu’il donne des instrumens de labourage. Pline le naturaliste en parle & le nomme un second soc, en disant qu’il doit précéder le premier pour fendre la terre devant lui, afin qu’il ait moins de peine à ouvrir le sillon. Il est d’un usage essentiel & indispensable pour fendre & couper la terre devant le soc, quand est elle forte & tenace. Dans les terreins légers, sablonneux, friables, il devient inutile, parce que le soc n’éprouve pas assez de résistance pour être précédé d’un coutre qui facilite son entrure en ouvrant la terre devant lui. Dans les terres fortes il est indispensable, sur-tout pour les premiers labours ; la terre n’ayant point encore été remuée, le soc l’ouvriroit difficilement, & il n’y parviendroit qu’en enlevant de larges mottes, qu’on seroit obligé de briser ensuite. Il est rare que les charrues légères soient formées de coutres : étant destinées pour la culture des terres légères, ils sont inutiles. Les charrues fortes dont on se sert pour la culture des terres compactes tenaces, doivent avoir un ou plusieurs coutres ; sans cela, le soc éprouveroit une résistance trop considérable, à cause de la cohésion des particules de la terre : ne pouvant la vaincre qu’avec beaucoup de peine, on feroit difficilement un labour égal, auquel on emploieroit plus de temps, parce que la marche de la charrue seroit fort retardée.

L’emplacement des coutres à l’âge ou à la flèche de la charrue, ne doit point être à volonté ; il faut observer que leur destination est de fendre la