Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/625

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du bétail, dans un temps où elle est rare, ne dédommage-t-elle pas de la petite perte de la semence ? Dans les autres provinces, au contraire, où les pluies sont moins rares, c’est le cas de semer des raves après la récolte des grains, des panais, des carottes &c. ; & après les avoir fait pâturer par le bétail pendant tout l’hiver, de retourner les plantes au premier printemps & de les enfouir dans la terre. On peut également semer dans ce premier printemps, le lupin, la dragée, à la manière de Flandre ; enfin, toute la nombreuse famille de plantes légumineuses, n’importe quelle herbe que ce soit, pourvu que ce soit de l’herbe & en quantité.

5°. Si vous alternez vos récoltes par du trèfle semé sur le blé même, ou par des luzernes, ou par des esparcettes, ou par des prairies, chacun suivant sa position & son climat, il est clair que la terre végétale ne manquera pas, lorsque le champ sera semé en grains.

6°. Il est encore bien démontré que, quand même il n’y auroit point eu de décomposition des débris des plantes, le grain réussiroit très-bien après la luzerne, le trèfle, pris pour exemple, parce que la racine de ces plantes, étant pivotante, va chercher la nourriture profondément dans la terre, & ne consomme pas la terre végétale qui se trouve depuis sa superficie jusqu’à six pouces de profondeur : c’est la raison pour laquelle du blé, semé après un autre blé, trouve cette couche supérieure de terre dépouillée en grande partie de son humus. J’ai dit, & je persiste à dire que la seule inspection de la forme des racines d’une plante suffit à l’homme instruit pour diriger sa culture.

II. Des mauvaises herbes. 1°. Ce nom est impropre, puisque toutes les herbes quelconques, par leur décomposition, forment l’humus. Cependant ces herbes deviennent effectivement mauvaises par la négligence du cultivateur qui les laisse grener & sécher sur pied. Alors elles s’approprient en pure perte la portion de terre végétale, & en privent les grains utiles : d’ailleurs leurs semences végétant, l’année d’après, avec le grain, lui portent un véritable préjudice, & l’affament : voilà en quoi ces herbes méritent d’être appelées mauvaises. La luzerne est une bonne herbe ; mais si elle végète avec le blé, elle lui nuit moins par sa racine que par ses fanes, & parce qu’elle le prive du bénéfice de l’air avant qu’il soit monté en épi. C’est donc la circonstance, ou le petit nombre des herbes, qui les rend mauvaises ; mais, dans quelque circonstance que ce soit, le chiendent, (Voyez ce mot) est toujours nuisible, parce que repoussant sans cesse, & pullulant à l’excès, il absorbe tous les sucs de la terre.

2°. Cette manière de multiplier l’herbe d’une ou de deux ou de trois espèces, détruit les mauvaises. Celles-ci sont en petit nombre, proportion gardée avec celles qui ont été semées ; elles doivent donc mal végéter : outre cela, sans cesse tenues à l’ombre par les autres herbes semées très-épais, elles languissent & s’étiolent ; enfin le soc de la charrue leur prépare le même sort qu’aux plantes voisines ; il les enfouit toutes avant qu’elles aient pu grener pour se reproduire. Il est rare de voir la