Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/666

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phoses. Il commencera par dire, j’ai tant d’arpens à défricher ; un homme gagne tant, & son travail se réduit à tant. Somme totale, il m’en coûtera tant. Voilà le premier apperçu ; passons au second.

J’ai supposé que la facilité du travail seroit égale dans toute l’étendue du terrein, & que chaque homme rempliroit exactement sa tâche : deux suppositions chimériques, renversées, ou par la rencontre de quelques rochers, de quelques amas de pierres, ou d’une couche de terre plus dure, &c. & par la différence du travail d’un homme à un autre homme. Ainsi, pour l’article des accidens, je dois compter la moitié en sus de la première dépense. Cependant, afin de ne pas être induit en une erreur trop forte, je vais faire sonder en différens endroits ; plus je multiplierai ces sondes, moins je craindrai de me tromper dans mes calculs.

Quel sera le parti le plus économique ? Donnerai-je à prix fait, ou ferai-je travailler à la journée ? À prix fait, je serai surement trompé : l’ouvrier, plus accoutumé que moi à juger du travail, exigera un salaire au-dessus de la valeur ; & pour gagner encore plus, l’ouvrage sera fait à la hâte. Si je prends le second parti, la dépense doublera ; & le défrichement sera bien fait, si je ne perds pas mes ouvriers de vue. À quoi faut-il donc se résoudre ? Au dernier parti, quoique le plus coûteux, ou au premier, si je m’accommode de toute espèce de travail.

Un homme qui fait défricher, doit être convaincu qu’il importe peu à l’ouvrier que l’ouvrage soit bien ou mal fait, pourvu qu’il ait de nombreuses journées, & qu’il soit payé. Il en est ainsi dans toutes les provinces. Le but du défrichement est de faire produire à la terre des récoltes qu’elle refusoit auparavant. L’homme sensé examinera donc, après avoir calculé les frais de culture, & les avoir ajoutés aux premières avances pour les frais du défrichement, si les récoltes que, sans prévention, il espère en retirer, équivaudront à l’intérêt, 1°. des frais qu’il vient de faire ; 2°. si, outre cet intérêt couvert, il restera un gain réel ; 3°. si le bénéfice sera le même pendant les années suivantes ; 4°. quelle augmentation de valets, d’animaux ce défrichement rend indispensables.

Tout défrichement, entrepris sans être auparavant précédé d’un semblable & même d’un plus rigoureux examen, ruinera le propriétaire. Le mal sera encore bien plus grand, s’il est assez fou pour emprunter. Les saisons peuvent déranger les récoltes, & il ne faudra pas moins payer les intérêts & le capital aux époques convenues. Si quelqu’un me consultoit sur un défrichement à faire, je lui demanderais : Combien estimez-vous qu’il coûtera ? Et je lui dirois, d’après sa réponse : Avec la même somme achetez dans votre voisinage un champ en bon état. Je croirois lui donner un conseil fort sage. Un autre conseil vaudrait peut-être mieux ; ce seroit d’employer cet argent à bonifier les fonds que l’on possède. On aurait toujours assez de terrein, s’il étoit bien cultivé.

Je ne veux pas dire qu’on ne doive, en aucun cas, défricher ; mais le véritable besoin n’en est pas très-fréquent. Si vous avez mis en pratique les préceptes donnés aux mots