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ne pas perdre le fruit de mes premiers travaux, ce sol, après avoir donné une récolte en grain, seroit alterné, (voyez ce mot) ou par une esparcette ou sainfoin, ou par des raves, des carottes, des lupins, &c. À la longue, & à force de soins, je parviendrais à métamorphoser cette lande maigre en un champ passable, si, toutefois, il n’est pas trop éloigné de la métairie.

Je ne vois qu’un seul moyen efficace de tirer parti de ces espèces de landes ; c’est de les bien travailler, & de les couvrir de pins maritimes, qui exigent un sol léger, ou de tels autres arbres les plus communs du pays. Petit à petit il se formera de la terre végétale par la chute annuelle des feuilles, & par la décomposition des substances animales. Enfin, à la longue & par progression, le sol de la lande s’enrichira.

II. Des landes grasses. Elles regorgent de principes, sur-tout si le bois détruit étoit épais & bien fourni ; mais ces principes sont, pour ainsi dire, isolés : chacun est placé séparément ; enfin, ils ne sont pas combinés. On a vu aux mots Amendement, Arrosement, Culture, de quelle manière la nature les assimile les uns aux autres, pour en faire un tout analogue & approprié à la bonne végétation : c’est pourquoi je conseille de les défricher aussitôt après l’hiver, de les labourer à fond, & de laisser parler l’été par-dessus, afin de cuire la terre, suivant l’expression vulgaire, ou plutôt afin que chaque partie fermente, se décompose & recompose un tout. Cependant si l’on voit que les mauvaises herbes soient trop multipliées d’une époque à une autre, & que l’on craigne leur reproduction par la maturité de leurs semences, il sera très-prudent de les détruire avec la charrue. Heureux qui possède près de chez soi de pareilles landes ! On est assuré de plusieurs bonnes récoltes consécutives ; & lorsqu’elles commenceront à diminuer, c’est le cas, non de les laisser reposer, suivant l’usage ordinaire, mais de les alterner.

Je n’appelle pas défrichement, une prairie, une luzernière, une esparcette que l’on convertit en terre labourable : c’est une opération journalière d’agriculture, qui s’exécute avec de bonnes charrues. Le seigle y réussit très-bien la première année ; le froment médiocrement, & il est superbe à la seconde & à la troisième. Le mot défricher s’applique spécialement aux terreins incultes,


DÉGEL. Adoucissement de l’air, assez considérable pour faire fondre la glace. Il y a deux sortes de dégel ; celui qui est amené insensiblement par l’élévation du soleil sur notre horizon, élévation qui met un terme à la durée de l’hiver : le froid seroit perpétuel, si les rayons du soleil tomboient toujours très-obliquement sur la terre que nous habitons. L’autre espèce de dégel a lieu pendant l’hiver, lorsque les vents du sud repoussent les vents du nord, & apportent avec eux un air plus chaud, & beaucoup d’humidité. Pendant le dégel, il arrive des phénomènes trop singuliers, relativement aux arbres, pour les passer sous silence.

I. Pendant plusieurs jours avant le dégel, la vivacité du froid augmente ; le vent du nord souffle avec plus de force, le ciel est plus net, les étoiles plus scintillantes ; &, chaque soir,