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rentrée dans son lit, les portes s’ouvriront & l’eau s’écoulera.

Si c’est une flaquée d’eau de mer de très-peu de profondeur, je ne vois d’autre moyen, que d’employer le pouldre des Hollandois, voyez le mot Moulin, (si le vent le permet) ou d’élever les bords, afin que les plus hautes eaux ne fassent point de relaissées, & ne s’étendent pas sur ces mêmes bords ; c’est-à-dire, qu’il faut rétrécir autant qu’on le peut la largeur de la flaquée, afin qu’elle ait plus de profondeur ; alors il s’exhalera très-peu de mauvais air ou air fixe. J’ai plus en vue dans ce que je dis la conservation de la santé des habitans, que la nouvelle acquisition du sol pour l’agriculture. Il est de fait & l’expérience a démontré mille fois, que les deux ou trois années qui succèdent aux grands défrichemens, aux grands desséchemens, sont des années meurtrières, & que le nombre des morts décuple, & celui des malades centuple.

Quant à l’avantage de l’agriculture, cherchons l’instruction chez les hollandois, chez les brabançons. La population est considérable, & toujours proportionnelle, & en général l’industrie suit la population, parce qu’elle naît du besoin. Des qu’une partie du terrein dans une saison de l’année cesse d’être sous les eaux, le hollandois dit : Habituellement l’eau s’élève à telle hauteur, j’ai tant de surface, il me faut donc tant de pieds cubes de terre, pour élever le sol au-dessus des plus grandes eaux. Ainsi par exemple, sur cent toises quarrées, je creuserai tout autour un fossé de telle largeur, & je lui donnerai la plus grande profondeur possible ; chaque année, je profiterai des sécheresses pour le creuser encore, & ainsi successivement mon terrein sera élevé. Voilà comme la Hollande est sortie de l’eau en grande partie, ou plutôt comme le terreplein a été élevé aux dépens des fossés.

Quelquefois un pouldre peut suffire à dessécher au moins pendant l’été une très-grande superficie ; mais, alors le concours unanime de tous les habitans de la circonférence est nécessaire ; c’est une opération majeure qui exige de grandes avances, soit pour la construction du pouldre, soit pour celle des canaux, & en France le terrein n’est pas aussi précieux qu’en Hollande ; il faut donc, avant de commencer une telle opération, examiner si le produit couvrira la dépense & donnera du bénéfice. S’il s’agit de la santé des habitans, on doit calculer d’une manière toute opposée. La vie d’un simple paysan est préférable à mille journaux de terrein en culture.


CHAPITRE II.

Du Desséchement des terreins dont les eaux sont susceptibles de suivre une pente.


Cette pente est ou naturelle, ou exige le travail de l’homme pour la procurer.

I. De la pente naturelle. Le seul cultivateur négligent ou trop pauvre, est celui dont les champs sont inondés ou marécageux. En pareil cas, il ne s’agit que de niveler le terrein, creuser un fossé principal & des fossés secondaires afin d’égoutter les eaux. On doit à cette négligence la maigre ressource ou plutôt la coutume de labourer les terres par planche, ou plutôt par billon. (Voyez ce mot)