Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/349

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tés ? mille exemples viennent à l’appui des heureux changemens produits par la différence de climat & sur-tout du nord au midi.

Soit relativement au sol, soit relativement aux climats, si vos semis ou vos transplantations ont donné ou assuré de bonnes espèces, commencez par les multiplier de bouture ou de marcotte, ou par la greffe, & ne vous lassez pas de greffer franc sur franc. (Voyez ce mot) Il n’en est pas tout-à-fait ainsi des individus herbacés. Les melons, les citrouilles vont servir d’exemple. Supposons qu’un curieux ait trouvé une nouvelle espèce jardinière ou hybride, s’il la lève de couche & la plante parmi des melons &c. d’espèce différente, il est très-probable qu’elle s’abâtardira, parce que les fleurs mâles du melon étant séparées sur le même pied des fleurs femelles, il faut que leur poussière fécondante vienne donner la vie aux germes placés sous le pistil. Il ne sera donc pas plus difficile à cette poussière de se porter de droite à gauche sur les fleurs femelles de la plante de melon voisine, que de gauche à droite sur ses propres fleurs femelles ; alors l’espèce de ce curieux rentrera dans son premier ordre, si la plante voisine est précisément du même ordre que le sien avant son hybridicité. Il résulte de cette observation, que l’on doit planter chaque espèce de melon ou de courge, &c. dans des places très-éloignées les unes des autres ; sans cette précaution il en seroit, & il en est effectivement de ces plantes, comme du sorbier hybride du jardin de M. de Janssen.

L’expérience démontre tous les jours, que beaucoup de nos fruits à noyaux se reproduisent aussi parfaits par les semis. Dans la supposition que l’abricot par exemple, ait été apporté d’Arménie, dira-t-on qu’on ait en même temps apporté toutes les espèces que nous connoissons ? Cette supposition n’est pas admissible, puisqu’en Arménie même à peine trouve-t-on aujourd’hui le type naturel du premier abricot ; ceci s’applique également aux cerisiers. &c. C’est donc de proche en proche que ces espèces se multiplient, & des heureux hasards, plutôt que le travail de l’homme, les ont produites. Ce que le hasard fait, l’homme peut le faire, en suivant la marche physique par laquelle la nature a opéré & perfectionné les espèces. L’hybridicité est le moyen le plus prompt de perfectionner & de multiplier les espèces.

Je ne répéterai pas ce qui a été dit à ce sujet, au mot Abricot déjà cité ; j’ajouterai seulement qu’on réussira moins sur un gros arbre chargé de branches & de fleurs, que sur un jeune arbre qui donne ses premières fleurs. À l’époque de ces premiers signes de puberté, si je puis m’exprimer ainsi, la fleur est plus susceptible de recevoir des impressions étrangères, & de recevoir dans son sein un principe de fécondation différent de celui avec lequel elle étoit unie. Les fleurs des vieux arbres sont dans le même cas ; par un principe opposé, la poussière fécondante du jeune arbre est plus active que la sienne.

À quelle époque doit être faite cette fécondation adultérine ? Au moment où la fleur va s’épanouir. Si on attend que l’épanouissement soit complet, la fécondation naturelle est accomplie. Il faut donc choisir le moment où les pétales de la fleur ne