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seroit mobile, distribueroit l’eau sur toute la superficie de la cuve, & imbiberoit le marc.

La seconde méthode est plus simple ; mais elle procure moins d’eau-de-vie & d’un plus mauvais goût ; elle consiste à faire un creux dans la terre, à y ensevelir le marc & le recouvrir de terre. On enfonce de temps en temps le bras dans ce creux, afin de juger du point de fermentation ; & lorsqu’on la croit à son période, on enlève le mare de la fosse, que l’on jette dans l’alambic après y avoir mis une suffisante quantité d’eau. Dans quelques endroits, le fond de l’alambic est garni d’un trépied, qui empêche que le marc ne touche le fond ; voyez les autres expédiens proposés pour cet usage, décrits au mot Alambic pour la distillation des marcs.

Ces deux méthodes sont défectueuses, & on doit facilement en sentir les raisons par ce qui a été dit plus haut. Il est impossible que les eaux-de-vie qu’on obtient, n’aient pas un fort mauvais goût ; c’est ce qui les a fait prohiber à Paris. Nous examinerons au mot Eau-de-vie les motifs de cette prohibition, & ce qui a rapport au commerce des eaux-de-vie.

Voici ce que l’expérience m’a démontré, & en suivant le procédé que je vais indiquer, on est assuré d’avoir de l’eau-de-vie aussi douce que l’eau-de-vie commune du commerce.

Après avoir émietté le marc, mettez-le fermenter comme il a été dit dans le premier procédé. Lorsque la fermentation sera complète, tirez l’eau vineuse de la cuve, comme vous feriez relativement au vin nouveau ; remplissez les futailles. Portez le marc sur le pressoir, & pressurez ; mêlez ce second produit avec le premier ; conduisez ce petit vin comme le vin ordinaire ; enfin, bouchez la futaille aussitôt que faire se pourra, laissez reposer ce petit vin & s’éclaircir jusqu’à la fin de l’hiver, soutirez-le, portez-le dans le réservoir à filtrer, dont il a été parlé, & distillez, l’eau-de-vie sera douce.

Dans les provinces où le vin est abondant & à bas prix, & le bois cher, il y a peu de bénéfice à distiller un tel petit vin ; puisque les eaux-de-vie de vin suivent le prix de la matière première ; mais dans les provinces où le vin est cher, le bois abondant, & qui sont éloignées des grandes brûleries, il y a réellement du bénéfice à distiller les marcs.

Si dans ces pays il reste quelque mauvais goût à l’eau-de-vie de marc, & que le bois soit à bon marché, on y ajoutera un tiers ou moitié d’eau de rivière. La chaudière sera chargée, la communication du chapeau avec le serpentin bouchée, & pendant quinze à dix-huit heures on entretiendra par-dessous la chaudière un feu très-modéré, afin de communiquer à la liqueur seulement une chaleur de cinquante à soixante degrés : cette digestion produit le meilleur effet, comme il sera dit ci-après, en parlant de la distillation des vins dont l’esprit ardent est destiné pour les liqueurs.

J’ai déjà répété cent fois que la partie sucrée formoit l’esprit ardent. D’après ce principe reconnu de tous les chimistes & de tous les physiciens, il est aisé de conclure que l’art peut enrichir ces petites eaux-de-vie & leur fournir plus d’esprits. Il suffit donc d’ajouter une substance sucrée à ce marc mis en fermentation ; je ne dis pas d’y ajouter du