Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/512

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en elle-même, est longue & coûteuse par la consommation du bois, & diminue la quantité du vin, puisqu’une partie de son phlegme s’est évaporée, sur-tout dans les circonstances où l’on fait bouillir jusqu’à la cinquième partie des raisins.

Ce qui constitue l’essence du principe sucré est identique dans toutes les substances qui le contiennent, & il n’affecte différemment les organes de nos palais, que par les substances avec lesquelles il se trouve combiné dans les différentes plantes. Le sucre d’érable, celui de la canne à sucre, du raisin, du chiendent employé dans les boutiques, du blé, de l’orge, lorsqu’ils ont germé, celui que le célèbre Bergman a retiré des carottes, des cardes-poirées, &c. sont identiquement les mêmes, quant au principe, & s’ils diffèrent entre eux, c’est par des modifications accessoires qui ne changent rien à leur essence. Les sentimens des chimistes ne sont pas partagés sur ce point, d’où on peut conclure que l’addition d’un muqueux sucré au vin qui en manque, lui rend la vie, l’existence, si on peut s’exprimer ainsi, puisqu’il l’enrichit du principe premier dont il étoit dépourvu ou presque dépourvu.

Ce fut d’après cette idée, & j’oserois presque dire, d’après cette démonstration rigoureuse, que je proposai en 1766, l’addition du miel commun, comme le corps doux préférable à tous les autres & même au sucre, abstraction faite du prix. Cet avis a été critiqué par des œnologistes, non quant à la qualité du miel ; mais ils se sont récriés contre son haut prix : il ne s’agit pas ici d’employer du miel de Mahon, de Narbonne, &c. ; mais du miel commun ; du miel jaune, pourvu qu’il soit pur, & dont le prix, dans presque tout le royaume, est de huit à dix sols la livre, & souvent moins ; (abstraction faite des droits d’entrée dans les grandes villes ; mais on n’y cueille pas du raisin pour faire du vin.) J’estime qu’une livre suffit pour la vendange qui donnera cent bouteilles de vin, mesure de Paris ; de sorte que le prix d’une barrique de deux cens pintes sera augmenté de seize à vingt sols. Voilà la dépense, j’en conviens : la vente du vin, après cette addition, ne la couvre-t-elle pas ? C’est ce qu’il falloit prouver. Lorsque je désigne le poids d’une livre, c’est comme terme moyen & non pas absolu ; le seul propriétaire du vignoble peut en décider ; quand il lui en coûteroit un petit écu par barrique, je ne vois pas que la dépense soit aussi excessive qu’on veut le dire. Au surplus, c’est un conseil qu’on peut suivre, si on ne fait pas bouillir la vendange, & il est facile à tout propriétaire de juger par comparaison, auquel des deux procédés il doit donner la préférence.

La manipulation est facile, on délaye le miel dans une suffisante quantité de moût, & à mesure qu’on jette dans la cuve le raisin foulé, on jette en même temps le mélange, observant qu’il soit bien étendu sur toute la vendange & successivement mélangé avec elle, jusqu’au moment de former le chapeau. Il faut que le miel soit pur & non pas mêlé avec des substances étrangères, & souvent avec de la farine qui le conduit promptement à la fermentation acide.