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juger de l’intensité de cet air mortel, après l’affaissement du marc & du vin ; ils occupent un plus petit espace qu’auparavant, & cet espace est rempli d’air fixe plus pesant que celui de l’atmosphère. Les douves de la cuve l’empêchent en partie de s’échapper, & il ne peut se dissoudre dans l’atmosphère, que par sa partie supérieure & par couches. Ainsi, il y a donc réellement beaucoup d’air fixe dans la cuve, mais il est accumulé, conservé & très-peu produit ; puisque, si on ajoutoit à ce vin, à ce marc, du vin & du marc de même qualité, & de quoi remplir la cuve, la dissolution en seroit très prompte, parce que effectivement il en fort très-peu.

Le goût du vin. Le moût n’offre jamais qu’une saveur douce, fade & quelquefois mêlée d’attraction, de verdeur, &c. suivant les années & les espèces de raisins. À mesure que la fermentation se développe, cette saveur devient piquante, odorante, ce qui est dû au dégagement de l’air fixe ; moins douce, moins fade, légèrement vineuse. Lorsque la fermentation approche de son maximum, le goût fade se dissipe, le goût sucré se confond en grande partie avec celui vineux ; mais on sent que le mélange n’est pas assez parfait pour que la liqueur soit un vrai vin ; parvenue à ce maximum, & lorsque le marc commence à s’affaisser, les principes sont combinés, le palais ne distingue plus des principes, pour ainsi dire, isolés, le goût sucré est vraiment changé en vineux piquant ; si on attend jusqu’à la fin du premier affaissement le vin est moins piquant, plus plat, plus mat, & ces qualités augmentent à mesure qu’on s’éloigne du premier affaissement.

Ces remarques tiennent à des points de fait que chacun peut vérifier.

Les traces de la fermentation dans la cuve. À mesure que la fermentation s’opère, le fluide suit l’ascension de la masse, lorsqu’elle a été foulée, & même il la surnage dans le commencement, & les bords de la cuve sont imbibés de ce fluide à quelques pouces au-dessus de sa surface. Dès que le sifflement devient, sensible, cette imbibition est dissipée par le courant d’air qui s’établit, & les douves ne sont pas mouillées à deux ou quatre lignes au-dessus du fluide ; l’écume qui se manifeste pendant la fermentation, suit le mouvement d’ascension de la masse & monte avec elle. Lorsque la fermentation diminue & lorsque le marc s’affaisse, une lisière d’écume reste collée contre les douves, au plus haut point où elle est montée à la seconde ascension, l’écume en bien petite quantité remonte & marque encore le point de cette seconde élévation & ainsi des autres ; mais les dernières sont très-peu écumeuses & souvent point du tout ; de sorte que, si on a laissé la vendange refroidir entièrement dans la cuve, & après l’en avoir retirée, on voit autant de zones tout autour de la cuve, qu’il y a eu d’ascension & descension successives. L’intensité de l’écume fuit celle de la fermentation, de la maturité du raisin, &c.

Lorsque la vendange a été convenablement foulée, &c. le chapeau excède la superficie du fluide, il la comprime autant qu’il le peut, & le fluide monte moins haut que si la vendange a été seulement foulée de gros en gros ou point du tout, ce qui est encore plus sensible pour l’écume.