Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/539

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vations, & après plusieurs expériences je vis clairement que le premier tendoit à l’acidité, que le second se soutenoit dans son état de perfection, & que le troisième s’acheminoit à la putridité. À cette époque, la théorie de l’air fixe, ce ciment des corps, n’étoit pas encore bien connue en France, & le premier ouvrage en ce genre qui m’ouvrit les yeux, fut celui de l’anglois M. Macbride. Il est inutile de rapporter ici toutes les expériences que je fis, & dont il résulte cette démonstration : que le vin ne devient vinaigre que par l’absorption de l’air atmosphérique ; qu’il ne soutient sa bonne qualité que par la conservation de l’air fixe ; & qu’il ne se putréfie que par la perte de son air fixe, ou air de combinaison.

Pourquoi les douves du tonneau, dans le premier cas, sont-elles sèches, ainsi que le sable réduit à l’état pulvèrent ? Ce ne peut pas être en raison de l’atmosphère de la cave, puisqu’elle est naturellement humide, ce qui est encore prouvé par la superficie des tonneaux du second genre. Il faut donc nécessairement qu’un courant d’air du dehors en dedans, ou du dedans en dehors du tonneau, dissipe cette humidité. Si c’est du dedans en dehors, une vessie vide d’air, attachée à un tube, & ce tube implanté & soudé exactement dans un trou fait à la douve, & qui communique à l’intérieur, se ballonnera par l’air qui fort du tonneau, & démontrera le courant d’air de l’intérieur à l’extérieur ; mais il en est tout autrement. Prenez la même vessie, ballonnez-la d’air ; implantez son tube comme la première fois, & vous verrez bientôt l’air qu’elle contient, absorbé par le vin, & la vessie devenir flasque : il y a donc un courant d’air de l’extérieur à l’intérieur, qui dessèche les douves, le sable, &c. & cette absorption de l’air concourt, si elle n’exécute pas, à la conversion du vin en vinaigre. Chaque fois que cette vessie aura été vidée d’air, goûtez le vin & vous le trouverez de plus en plus vinaigre. Il est démontré & reconnu par tous les chimistes, que tous les acides absorbent l’air, qu’ils se le combinent ; aussi le vin qui se convertit en vinaigre, absorbe non-seulement l’air atmosphérique, mais encore celui contenu dans la lie qui, dans ce changement, est en beaucoup plus petite quantité qu’auparavant, & celui des cristaux de tartre qu’on ne retrouve plus dans le vinaigre. Tous les acides cristallisés contiennent, en général, le tiers de leur poids d’air. Je n’insiste pas davantage sur cette fermentation acéteuse ; au mot Vin j’indiquerai les moyens de la prévenir ; mais-il est bon d’observer qu’elle a lieu plus promptement dans un petit vaisseau que dans un grand, parce qu’il lui est plus aisé de se charger d’air ; si on veut la hâter, il suffit de tenir le vaisseau débouché, encore mieux, à moitié plein, & dans un lieu passablement chaud, ou en plein air exposé au soleil. J’ai difficilement obtenu du vinaigre en me servant de vaisseaux de grès, a moins qu’ils ne fussent vernissés, & souvent le vin, loin de venir vinaigre, s est pourri.


TROISIÈME PARTIE.

De La Fermentation putride.


La désorganisation des corps les conduit à la putridité ; leur manière