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sont les mêmes que pour les autres cultures ; ici on sème à la volée & assez épais ; ensuite on passe la herse, afin de bien égaliser le terrein. Lorsque la plante commence à fleurir, on la fauche, on la laisse sécher sur le champ, on la tourne & retourne comme le foin, & on la porte ensuite dans la métairie. La même pratique a lieu pour la seconde coupe & quelques fois pour la troisième, suivant les années, sur-tout si les pucerons ont épargné la plante.

Dans plusieurs autres provinces on sème en même temps pour fourrage la grosse fève mêlée avec la petite fève ou féverolle, ou fève de cheval ou gourganne, les pois, les vesces & lentilles que l’on coupe au moment de la fleur. Ce mélange est appelé dragée.

V. De la culture des fèves, comme engrais. Tous les maîtres-valets des provinces méridionales assurent, d’une manière tranchante à leurs maîtres, que les fèves qu’on leur permet de semer bonifient les terres : le fait est faux, & j’en ai l’expérience. Pour ne rien perdre, ils les laissent sécher sur pied, & par conséquent on ne peut les arracher qu’en juillet. Dès-lors, avec le peu de pluie qui tombe dans l’été, & sur-tout dans ces provinces, avec une chaleur dévorante qui dessèche la terre, comment est-il possible de pouvoir labourer & donner les façons nécessaires, afin de disposer cette terre à recevoir la semence dans le mois d’octobre ? Le sol est gratté & non labouré ; les animaux sont excédés & font un mauvais travail. Supposons que des pluies favorables permettent de labourer convenablement ; cette terre nouvellement soulevée, & pendant les chaleurs, perdra beaucoup par l’évaporation, & n’aura pas le temps de s’imprégner des bienfaits de l’air. Il vaut donc bien mieux, lorsque l’on prend un maître-valet ou un régisseur, sacrifier un champ ou une portion uniquement à son usage. Si la fève avoit une racine pivotante comme la carotte, &c. la partie inférieure du sol seroit appauvrie ; mais toutes les fois qu’une plante est pourvue de racines fibreuses, elle appauvrit la superficie. Cependant, on peut tirer un très grand parti de ces plantes, comme engrais ; à cet effet, donnez deux bons labours en octobre & novembre, & si le climat que vous habitez le permet, semez aussi-tôt, ou semez dès que vous ne craindrez plus les rigueurs de l’hiver ; mais alors labourez de nouveau & croisez ; semez ensuite à la volée, & passez la herse pour enterrer. Il faut également herser lorsqu’on sème en octobre ou en novembre. Dès que les plantes seront en pleine fleur, faites passer la charrue à grande oreille, & enterrez-les le mieux que faire se pourra ; que si quelques-unes venoient à pousser de nouveau, faites repasser la charrue dans le même sillon, afin de les recouvrir entièrement & qu’elles pourrissant plus promptement. Cette manière d’engraisser les terres, est excellente. Si on a semé les fèves dans le mois d’octobre, on peut, à la rigueur, les faire brouter en hiver par les troupeaux, ce qui dérange l’organisation naturelle de la plante & lui fait pousser beaucoup de branches latérales, dont les fleurs sont ensuite mesquines de même que les gousses ; mais comme dans ce cas il ne s’agit pas d’obtenir une récolte de fruits, leur grosseur, leur embonpoint im-