Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/692

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élégance, la vivacité de ses couleurs, sa destination, son lever & son coucher, ses exhalaisons délicieuses méritent bien notre attention. Elles sont de deux espèces, l’une qui est le parfum proprement dit, & l’autre qui consiste en une certaine quantité d’air méphitique que la plante exhale.

§. I. Parfum ou odeur des fleurs. Le parfum que les fleurs exhalent, n’est autre chose que leur esprit recteur qui, naturellement très-volatil, s’échappe à travers les pores des pétales & des feuilles, se répand dans l’air ambiant ; & comme il est presqu’aussi pesant que le volume d’air qu’il déplace, il reste flottant dans l’atmosphère jusqu’à ce qu’un vent léger le promène dans l’espace. Cependant l’odeur proprement dite, n’est que la partie la plus volatile de l’esprit recteur, & rien n’est plus facile à démontrer. Que l’on prenne une fleur, une feuille odoriférante, qu’on la sente, & qu’ensuite, on brise & froisse un peu dans ses doigts cette même feuille ; on s’appercevra bientôt que l’odeur sera exhalée & beaucoup plus développée ; il est vrai, qu’elle sera un peu moins agréable, soit que la chaleur des doigts ait agi sur cette substance si délicate, soit que son intensité même s’oppose à sa douceur. Souvent l’esprit recteur est tellement adhérent à l’huile essentielle, qu’il ne s’évapore que difficilement ; pour le sentir, il faut alors nécessairement déchirer l’enveloppe, & rompre les cellules qui le renferment, ce que l’on obtient par le froissement des feuilles.

Il est bien plus facile de distinguer les odeurs des différentes fleurs, & de les reconnoître que de les nommer & de les qualifier. Ce travail demanderoit des organes extrêmement sensibles & délicats. De plus, il arrive tous les jours que l’on est affecté vivement d’une odeur qui n’est qu’agréable pour un autre ; on aime à respirer une fleur qui déplaît à certaines personnes. Cette différence vient de la variété dans l’organe de l’odorat, & il est vrai de dire que l’on ne peut pas plus disputer des odeurs que des goûts. (Voy. le mot Odeur des plantes)

§. II. Airs exhalés par les fleurs. Qui auroit jamais cru que ces fleurs, si jolies à la vue, si douces au toucher, si agréables à l’odorat, si flatteuses, en un mot, pour tous les sens, en même temps qu’elles parfument l’air, le chargent d’un principe malfaisant & quelquefois mortel ? On cite mille traits du danger des exhalaisons de certaines plantes, & les traditions du peuple dans ce genre, auroient dû ouvrir depuis bien longtemps les yeux des savans. Il n’est point de pays où l’on ne raconte des événemens malheureux occasionnés par les exhalaisons des fleurs. On ne peut respirer long-temps l’odeur forte de quelques fleurs, sans éprouver de violens maux de tête, des migraines considérables, des syncopes même & des spasmes, sur-tout, lorsqu’on a le genre nerveux délicat & foible. Nous nous contenterons d’en citer ici quelques exemples, réservant à entrer dans de plus grands détails sur cet objet, au mot Transpiration. On peut lire dans le Journal de physique 1782, tome 21, l’histoire des dangereux effets que les exhalaisons des fleurs du toxicodendron ont constamment produit durant plusieurs années dans un jardin.