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M. de Buffon. Je parle à des agriculteurs : voici ce qu’ils doivent savoir.

I. Caractères auxquels on distingue le mâle de la femelle. L’un & l’autre ont la tête & une partie du col recouverts d’une peau tirant sur le bleu & chargée de mamelons rouges, & par-derrière de mamelons blanchâtres. Cette couleur varie, suivant les circonstances ; dans le temps de la mue, lorsque l’animal souffre le froid, lorsque la femelle couve, ils sont presque blancs. Avant & pendant accouplement, la couleur rouge s’anime & prend plus d’intensité. Le mâle porte sur la tête & près de la naissance du bec, une membrane ou caroncule conique qu’il alonge & retire à volonté ; elle descend souvent deux ou trois pouces plus bas que le bec : le milieu de son poitrail est garni d’une touffe de poils de trois à quatre pouces de longueur, & qui croissent & durcissent à mesure que l’animal prend de l’âge. Chacune de ses pattes est armée d’un éperon, & la femelle n’en a point ; sa queue ne peut se prêter à faire la roue comme celle du mâle.

Il est difficile de distinguer le mâle d’avec la femelle, sur-tout avant qu’ils aient pris ce qu’on appelle le rouge, c’est-à-dire, avant la dilatation de la caroncule des mamelons & de la touffe de poils ; en un mot, pendant le temps de leur enfance. Cependant d’après les remarques que j’ai faites, il n’est pas aisé de se tromper. J’ai observé que lorsque l’animal est sorti de l’œuf, & plusieurs jours après, la femelle est plus grosse que le mâle ; peu à peu leur grosseur s’égalise jusqu’à ce qu’ils aient pris le rouge, alors le mâle commence à monter plus haut sur ses pattes qui s’alongent plus que celles des femelles, & sont plus fortes ; quelque temps après, les caractères indiqués plus haut se manifestent.

II. De la couleur des Dindes. La noire est la plus commune, la toute blanche est assez rare ; la blanche grisâtre ou marbrée l’est moins. Plusieurs personnes ont prétendu que les dindes blancs étoient plus délicats ; c’est une erreur : leur délicatesse vient uniquement de la manière de les élever & de les nourrir ; les uns & les autres sont sujets aux mêmes maladies.

III. De la ponte. L’accouplement a lieu après la première année révolue. On peut cependant le dévancer, en donnant soit au mâle, soit à la femelle, une nourriture abondante & échauffante, telle est celle de l’avoine, du chenevis, des pâtes dans lesquelles on fait entrer le cumin, l’anis & telles autres graines aromatiques. Si la femelle a la liberté de sortir, elle s’écartera très-souvent & ira chercher très-au loin un fourré de bois, un buisson épais pour y pondre ses œufs ; elle reste avec le mâle & ses compagnes jusqu’à neuf ou dix heures du matin ; peu à peu elle s’en éloigne, fait semblant de manger en chemin, va & revient sur les pas, si on la regarde, afin de donner le change à observateur ; mais toujours en se rapprochant de l’endroit qu’elle a choisi : si on se cache afin de ne la pas perdre de vue & de découvrir son réduit, elle s’élève le plus qu’elle peut sur ses jambes, regarde de tous côtés pour s’assurer si elle n’est point apperçue ; souvent elle monte sur de petits tertres, & cherche à porter sa vue