Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/134

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vrai ; mais comme ils sont assez éloignés les uns des autres, il ne se trouve rien entre-deux qui dirige le coup-d’œil.

Cette araire n’est autre chose que deux bras légers, unis par leur base comme ceux d’un brancard de tombereau, mais rapprochés en rond à l’endroit où on insère le petit soc en fer, de huit à dix pouces de longueur, de trois dans sa plus grande largeur, & épais de six à huit lignes. L’homme se place dans le milieu & tient de chaque main un des bras de l’araire, le traîne après lui & l’œil fixé sur les piquets ou sur les bouchons de paille, il trace en marchant un petit sillon, dont la couleur de la terre paroît pendant plusieurs jours de suite différente de celle du champ. Ce travail n’est point pénible pour l’ouvrier & détermine avec la plus grande précision les allées.

Chaque semeur a sa coutume, eu plutôt sa routine, & il est très-difficile de la lui faire abandonner. L’un sème sur une allée d’une toise de largeur, moitié en allant, moitié en revenant ; l’autre sur deux toises, également en allant & en revenant. Cette dernière méthode est préférable, parce qu’on sème moins épais.

Un bon semeur est un homme précieux, & on en trouve fort peu qui sachent semer bien également. Veut-il semer épais, il marche lentement ; clair, il marche plus vite, car il faut qu’il prenne toujours également la même quantité de grains dans sa main, qu’il la répande d’une manière uniforme. S’il change, ce qu’il appelle la valeur de ses poignées, il n’y est plus & le champ est irrégulièrement semé.

§. II. De la quantité de semences à répandre sur un espace donné.

C’est un grand problème d’agriculture, & peut-être le plus difficile à résoudre ; il tient à un si grand nombre de circonstances relatives à l’atmosphère en général, au climat en particulier, à la qualité du sol, bon, médiocre ou mauvais, sur le coteau ou dans la plaine, naturellement sec ou humide, &c. &c. qu’il faut se contenter de généralités.

Je suppose que la manière de semer dans un canton est le résultat des expériences locales, & dans ce canton, quoique formé par des sols différens, on jette en terre la même quantité de froment ; il y a donc nécessairement des terrains trop chargés, d’autres qui le sont en proportion convenable ; enfin, plusieurs qui ne le sont pas assez. On dira : Chaque particulier connoît la nature de son sol, & règle les semences : plût au ciel que cela fût ainsi ! Sur un très-grand nombre deux ou trois feront exception, & le reste, aveugle imitateur, suivra la coutume du canton ; c’est ce que l’on voit chaque jour & en tous lieux.

Prenons pour exemple un champ d’une certaine étendue ; il est presqu’impossible qu’il soit tout du même grain de terre, qu’il n’y ait pas des zones ou très-bonnes ou de qualité inférieure. L’expérience seule, & de plusieurs années consécutives, est capable d’instruire le cultivateur, & le simple coup-d’œil jeté sur la terre trompera les plus habiles.

Supposons un terrain bas où les herbes se multiplient & croissent