Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/138

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une couche plus forte de terre, que si la chaleur du sol étoit comme quatre ainsi que celle de l’atmosphère. Il n’est donc pas nécessaire de semer en superficie & de recouvrir légèrement. Je ne veux pas dire que, dans le premier cas, le grain doive être recouvert d’un pied de terre ; tout extrême est dangereux ; mais à six pouces il sera plus long-temps à sortir de terre, & il germera très-bien, sur-tout si la terre qui le recouvre est ameublie au point convenable. J’ai sous les yeux la preuve la plus convaincante de ce que j’avance.

Si la terre est mal labourée, si elle a été travaillée pendant l’humidité, elle doit nécessairement être en mottes, & ces monceaux de terre durcis s’opposeront à la sortie du grain, quand même il seroit seulement enfoui à trois pouces.

À trois pouces ce sera encore trop, tant que dans ces provinces on labourera avec l’araire, (voyez le mot Charrue) qui souleve la terre à quatre pouces de profondeur, & tout au plus à cinq, parce que les racines ne trouveront pas à s’enfoncer, & seront obligées de s’étendre horizontalement & de ne faire, pour ainsi dire, qu’une seule masse avec les racines des plantes voisines.

Il arrive très-souvent la perte complète ou presque complète des récoltes, lorsqu’il ne pleut pas dans le mois d’avril, au moment que les tiges commencent à s’élancer hors du collet de la racine. Si la sécheresse se soutient, tout est perdu, & à peine recueille-t-on la semence.

Si la semaille a été hâtive, si la terre a été auparavant convenablement défoncée à huit, neuf ou dix pouces de profondeur, si le grain est recouvert par quatre à cinq pouces de terre meuble, il craindra moins les funestes effets de la sécheresse, & on aura au moins moitié de la récolte quand les autres n’auront que de la paille & en petite quantité. Cette assertion est fondée sur l’expérience & sur la théorie de la végétation du blé. Le grain germe, ce germe ou radicule première s’enfonce en terre, la plantule se développe, perce le sol, pénètre au jour, & s’élance. La radicule s’enfonce jusqu’à ce que de nouvelles racines sortent du collet ; (voyez ce mot) celles-ci sont seulement fibreuses, s’enfoncent autant qu’elles trouvent une terre meuble. J’en ai vu de plus de huit pouces de longueur, & dans un vase d’un pied de largeur sur un pied de hauteur, celles d’un seul grain de blé tapissoient toute sa surface intérieure. Dans ce second cas, la chaleur ambiante du vase en étoit la cause. Ces deux exemples prouvent au moins que si les racines du blé s’étendent horizontalement & à fleur de terre dans nos champs, il faut l’attribuer à la mauvaise culture & au peu de profondeur de leur recouvrement. Aussi la sécheresse ne les épargne pas.

Les habitans des pays tempérés & de nos provinces du nord, où les pluies sont communes & la chaleur tempérée, se persuaderont difficilement que celles du midi soient quelquefois de cinq à sept mois, & même plus, sans qu’il y tombe une seule goutte de pluie ; le fait n’est pas moins vrai, & s’il y pleuvoit pendant douze heures de suite, une seule fois par mois, ces provinces,