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à terre la couverture dans une situation renversée, c’est-à-dire, l’épi en l’air, pour la mieux faire sécher : ensuite on prend par brassées le dessus de la moie, on le pose sur des liens étendus à terre pour le recevoir, on démolit toute la moie, on laisse sécher la paille sur les liens pendant plusieurs heures, & jusqu’à ce que tout soit bien sec ; après cela on lie les gerbes, & on les voiture dans les granges.

Une attention essentielle est, en faisant les moies, d’enlever les herbes des champs, mêlées avec la paille des gerbes. Si les lieuses ont eu cette attention, comme cela doit être, il n’en restera pas dans ce moment. Ces herbes fraîches augmentant l’humidité, accéléreraient la putridité.

Il seroit difficile, dans les provinces méridionales où la paille des fromens est courte, d’en trouver qui fût capable de servir à la couverture, (Figure 4) il est aisé d’y suppléer par celle de seigle battue, & conservée de la moisson précédente. Dans beaucoup d’endroits, & presque dans la moitié du royaume, on donne les moissons à prix fait, ou bien on se sert des travailleurs qui descendent de la montagne & on les nourrit. Le paysan sera fâché de voir cette multitude d’ouvriers perdre son temps, & attendre plusieurs heures après la pluie y avant de retourner au travail. Enfin, M. Ducarne de Blangi aura beaucoup de peine à faire entendre raison aux hommes subjugués par la coutume ; malgré cela la méthode de son canton n’en est pas moins excellente & mérite à tous égards d’être suivie.

§. II. Des Gerbiers à demeure jusqu’au temps du battage.

Dans les provinces du nord du royaume, on renferme les grains en gerbes dans des granges ou sous des hangars spacieux, uniquement destinés à cet usage : deux raisons prescrivent cette méthode ; la première tient à la constitution de l’atmosphère des pays, naturellement humide, peu chaude, & très pluvieuse ; une économie bien entendue a déterminé la seconde. Les produits de ces provinces consistent en fourrage & en blé ; il n’est pas possible de labourer les terres détrempées par les pluies, & il faut occuper les valets de la ferme pendant ce long espace de temps ; alors on bat le blé pendant le jour, & une partie de la veillée, à la clarté des flambeaux ; les gerbiers sont donc inutiles pour ces provinces.

Il n’en est pas ainsi dans les autres cantons du Royaume, où le ciel est plus tempéré & moins pluvieux ; la vendange, le travail des vignes, la récolte des amandes, des olives, &c. ne laissent aucun moment de repos, & on passe successivement d’une occupation à une autre. Les habitans d’un lieu plus ou moins méridional, plus ou moins sec ou humide, dirigent leurs travaux en conséquence du climat ; de là vient que les uns battent leur blé dans l’été, aussitôt après la moisson & sans interruption, tandis que les autres en battent une partie dans l’été, & une partie dans l’arrière saison, ou pendant l’hiver. Plus le grain reste dans la gerbe amoncelée & mieux il se nourrit, il sue peu à