Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/184

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d’un grand carreau de vitre. La terre de la première case fut garnie d’un certain nombre de grains infectés d’œufs, & recouverte d’un pouce de terre ; la seconde & la troisième, préparées comme la première, furent recouvertes, l’une de trois pouces de terre, & l’autre de deux pouces seulement. Le tout étoit ainsi disposé le 12 juin ; & dès le 14 du même mois il parut quelques papillons dans la première case ; le 17 il y en avoit 14 de nouveau, & ils n’en virent que deux dans la seconde & un seul dans la troisième. Ces papillons percent la terre, & l’on remarque un petit trou rond par où ils ont effectué leur sortie. Leurs ailes sont souvent chiffonnées dans ce moment, ils les étendent, les secouent, & elles prennent bientôt leur position naturelle.

Il résulte clairement de ces expériences, que les papillons placés à un pouce dans terre, & lorsqu’elle est légèrement humide & meuble, en sortent sans peine ; qu’il leur en coûte peu aussi pour s’échapper lorsque le grain où ils étoient établis, est à côté de quelqu’autre grain qui germe & soulève la terre, en produisant au dehors la jeune plante ; mais qu’ils ont beaucoup d’obstacles à vaincre lorsque la terre qui les couvre, quoique douce & légère, a trois pouces environ d’épaisseur, & qu’ils périssent infailliblement dans le grain même où ils ont vécu si la terre est compacte, & a acquis une certaine dureté.

Le ravage produit par ces insectes se fait de proche en proche, & par communication, & ils volent souvent à de grandes distances. Nos académiciens, pour s’en convaincre, firent défricher un arpent de terre au milieu d’une forêt, on y sema du grain transporté du Limosin, & qui sûrement n’apportoit avec lui aucun œuf de papillon. Cependant ils virent à la chute du blé, & sur des épis de froment, des papillons qui avoient pénétré dans cette solitude, mais en beaucoup moins grand nombre que dans les champs ordinaires. Plusieurs expériences répétées en ce genre, & dans des lieux très-éloignés des habitations & des champs à blé, ont confirmé ces émigrations.

Il est démontré que ces insectes, ainsi qu’on l’a déjà dit, attaquent les fromens, le seigle & l’orge, mais ils se jettent encore sur plusieurs espèces de plantes, telles que le maïs ou blé de Turquie, ou blé d’Espagne & autres graminées de nos campagnes, qui ne sont pas soumises à la culture. Cet insecte destructeur est par ce moyen assuré de sa subsistance, depuis le moment que la chaleur de l’atmosphère est au dixième ou douzième degré de chaleur du thermomètre de Réaumur, & pendant tout le temps que cette chaleur se soutient au même degré. J’en ai vu en 1781, depuis le 16 mars jusqu’au milieu du mois de novembre, (il faut faire attention au pays où j’écris) & il en est éclos pendant tout l’hiver dans des caraffes de cristal, que je tenois sur la cheminée de mon cabinet. Ils s’y accouploient, pondoient & l’œuf éclosoit.

§. III. De la Cadelle.

Ce nom est donné indifféremment dans nos provinces à la chenille de la fausse teigne dont je viens de parler,