Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/204

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faisois remuer les uns & les autres trois ou quatre fois sur les planchers & sur les tablettes, afin que la chaleur séchât la masse entière, & se répandît également sur chaque grain. Le matin j’allumais le feu du poêle, ayant grand soin que le bois ne fumât point ; quand il étoit bien embrasé & sans fumée, je fermois le tuyau pour que la chaleur se conservât sans déperdition. Le soir on l’allumoit de nouveau pour une seconde étuvée, qui se faisoit pendant la nuit ; quand on en faisoit deux, & à la fin de chacune on déchargeoit, par un couloir, le blé séché ; enfin, après l’avoir étendu sur le plancher, & l’avoir laissé refroidir, on le passoit au crible d’Allemagne ou au tarare. »

» Tels étoient mes procédés ; cependant je n’étois pas sûr de leur bonté à beaucoup près ; je ne travaillois qu’en tâtonnant, & ne réussissais pas toujours également bien. Par exemple, je m’étois assuré que mes blés à l’étuve jetoient une odeur forte, & que par conséquent, quoique j’en formasse des couches peu épaisses, il étoit indispensable de les remuer, afin que ceux de dessous perdissent aussi leur mauvais goût ; mais néanmoins je voyois avec douleur qu’au sortir de l’étuve ils en conservoient encore un peu ; l’étuve elle-même gardoit quelque temps la sienne, & je ne savois à quoi attribuer ce défaut ; enfin, je m’aperçus que l’odeur étoit beaucoup plus forte dans l’étage supérieur que dans celui d’en bas, d’où je conclus que la vapeur méphitique qui sortoit du grain, montoit vers le haut du bâtiment, comme font toutes les vapeurs échauffées, qu’elle cherchoit à s’échapper, & que s’il en restoit dans le grain, c’est que n’ayant point d’issue, & étant obligé de tourbillonner sans cesse dans l’espace qui la renfermoit, le blé, après s’en être débarrassé, la pompoit de nouveau. »

» D’après ce raisonnement, je m’imaginai de faire au haut de l’étuve des ventouses que je pusse ouvrir de temps en temps pour laisser échapper cette mauvaise odeur ; je perdois de la chaleur, à la vérité, mais il est aisé de remédier à cet inconvénient ; effectivement, je ne les eus pas plutôt employées, qu’à ma grande satisfaction mon blé sortit de l’étuve sain, excellent, sans goût ni odeur. »

» Voici enfin ce que la pratique & l’expérience m’ont appris à ce sujet. Quand le feu avoit fait monter la chaleur à 50 degrés, alors je faisois entrer dans l’étuve un homme, qui, commençant par l’étage d’en bas, & finissant par celui d’en haut, remuoit le blé sur tous les planchers & sur toutes les tablettes. Pendant ce temps j’ouvrais trois ventouses ; on sentoit une odeur forte qui sortoit du grain, elle s’échappoit par les trois ouvertures. Lorsque le remuement étoit fini, je les fermois ; mais deux ou trois heures après environ, je recommençois la manœuvre, & ainsi toutes les trois heures, ce qui faisoit quatre opérations pendant l’étuvée. »

On a publié en différens temps, chez différentes nations, des modèles d’étuves. Il seroit superflu de les détailler ici ; les trois méthodes que je viens de copier suffisent & au-delà.

Si on désire de plus grands éclair-