Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/267

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ne le sont aux moulins ordinaires : ce qui passera, après la mouture, à travers un tamis, sera la poudre la plus précieuse ou la garance grappe.

Après toutes ces opérations, il faut exposer, une nuit au serein, ces trois espèces différentes de poudre, les en retirer de grand matin, les enfermer séparément dans des barils dans une cave humide, & plus on les y laissera, plus les poudres gagneront en bonté & en qualité. Telle est la méthode que le Sr. Althen a vu pratiquer & a pratiquée en Perse & en Turquie ; & M. d’Ambournai, excellent juge, a abandonné la méthode qu’il avoit publiée, pour suivre celle du persan. Je passe sous silence ce que plusieurs écrivains ont dit sur la culture & les préparations de la garance ; on les tatonnoit alors, si je puis m’exprimer ainsi, & on n’avoit encore rien de bien déterminé à ce sujet.


GARDE-CHASSE. Personne préposée à la conservation du gibier, à celle des forêts, taillis, & enfin, à détruire les bêtes puantes. Celui des seigneurs de paroisse, s’il est assermenté à la table de marbre de la jurisdiction des eaux & forêts, est cru sur sa parole. Ce n’est pas le cas d’examiner ici si chaque propriétaire peut tuer le gibier qui est dans son champ ; au moins le droit naturel est pour lui, mais le droit civil ne l’est plus aujourd’hui, excepté en Toscane, où le grand-duc l’a rendu au propriétaire, aimant mieux protéger l’agriculture & l’agriculteur, que de favoriser l’oisiveté & les plaisirs destructeurs des seigneurs. L’expérience démontre que le garde uniquement occupé pour la chasse, devient le fléau du village & nuit aux intérêts du seigneur. Cette assertion n’est point un paradoxe. Dès que cet homme est cru en justice sur son simple & seul serment, quel paysan brouillé avec lui pour une cause ou une autre, & qui n’aura même pas un fusil, sera à l’abri de ses poursuites ? On dira, le garde est un honnête homme ; j’y consens ; mais c’est un homme qui a des passions, qui se sent protégé, & qui a toujours la justice de son côté, jusqu’à inscription de faux. Quel est le malheureux paysan en état de prendre cette voie ruineuse, longue, & plus qu’incertain, à cause de la protection que le seigneur accorde à son garde ? S’il succombe, il est ruiné ; s’il gagne son procès, il l’est également, parce que le seigneur chasse le garde, & n’est pas responsable de ses friponneries, de ses vexations, de ses faux rapports, &c. : & on ne plaindra pas la position du cultivateur ! J’ai été témoin de ces faits ; & si les seigneurs de terres aimoient leurs vassaux & vouloient ouvrir les yeux, ils conviendroient que j’ai raison. Le paysan n’ose pas même se plaindre à eux ; car si le garde n’est pas chassé, il devient son ennemi irréconciliable, &c. &c.

J’ai dit que les gardes nuisoient aux seigneurs, non pas parce qu’ils éloignoient d’eux l’amitié & l’attachement de leurs vassaux, objets dont plusieurs se soucient fort peu, mais parce que leurs terres sont dévorées par les lapins. Que l’on me montre une seule seigneurie pourvue de gardes, où ces animaux ne fourmillent point, & je passe condamnation. Si, à leur arrivée, elle est sans lapins, ils y en porteront ; & comme cet animal destructeur multiplie beau-