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tomberont précipitamment & devanceront la pluie.

Tous les autres phénomènes de la grêle s’expliqueront avec la même facilité. Un plus long détail, loin d’intéresser, deviendroit fatigant.

Les grêles passagères, peu abondantes, & dont les grains sont petits, ne font pas grand mal aux plantes qui couvrent la surface de la terre, d’autant plus qu’elles sont communément accompagnées de pluie ; au contraire, on pourroit croire qu’elles leur seroient avantageuses, parce que ces grains étant imprégnés d’électricité, ils s’en dépouilleroient d’une partie qui, rentrant dans le réservoir commun, iroit augmenter la masse si nécessaire à la végétation. L’effet le plus funeste que la grêle un peu considérable produise, c’est de mutiler & de briser tout ce qu’elle frappe. Quand elle est très-abondante & fort grosse, alors elle est longtemps à fondre & refroidit considérablement les terrains qu’elle recouvre. C’est ce refroidissement subit & prolongé qui altère les plantes ; ce qui a induit les gens de la campagne à croire que la grêle renfermoit dans son sein une espèce de poison qui faisoit périr les plantes.

Rarement dans la nature le mal est-il seul & isolé ; il est toujours certains rapports sous lesquels il se rapproche vers le bien. Aux yeux du philosophe, rien n’est absolument mauvais dans la nature ; son œil clairvoyant y découvre souvent un côté avantageux, qui annonce une sagesse intelligente qui veille sur tout. La grêle est un effet nécessaire d’une cause physique ; ses ravages ne sont pas moins nécessaires, quoique terribles. L’homme ordinaire ne voit qu’un malheur affreux, sans faire attention s’il peut en résulter un bien quelconque ; cependant on peut observer deux effets avantageux qui suivent ordinairement la chute de la grêle. 1°. Ce même degré de froid qui altère les plantes, fait périr les insectes & leurs larves, qui sont si communs au temps des orages, & qui ordinairement couvrent la terre dans cette saison. C’est un fait, que dans les cantons ravagés par la grêle, l’année suivante voit éclore infiniment moins d’insectes, la génération précédente ayant été presque détruite, & par la chute des glaçons & par le refroidissement qui a résulté de leur long séjour sur la terre.

2°. L’abondante électricité que ces mêmes glaçons renferment, qui pénètre la terre, se distribue dans les racines des plantes vivaces, ou reste, pour ainsi dire, en réserve, en attendant qu’elle soit employée par les plantes que le cultivateur doit confier au même sol ; l’eau que ces glaçons rendent en se fondant, & qui, comme celle des pluies & de la neige, est imprégnée de toutes les substances & des exhalaisons disséminées dans l’atmosphère, au moment de la formation de l’orage ; cette eau, dis-je, est une espèce d’engrais qui fertilise la terre, non-seulement pour le moment, mais encore pour l’année suivante. Cela est si vrai, que l’on voit tout reverdir & tout végéter à merveille après la chute d’une grêle, même considérable, si de grandes sécheresses ne viennent pas empêcher son bon effet ; & très souvent l’on a vu des blés semés sur un terrain abymé par la grêle, rendre plus qu’à l’ordinaire. M. M.