Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/439

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deux premières & c’est dans celle-ci qu’ils font le plus de dégât. La couleur de leur corps est ordinairement d’un blanc jaunâtre, au travers duquel cependant on apperçoit dans les rides quelque chose de gris ; le dessous du corps est uni & le dessus rond & voûté ; le dernier segment est plus grand & plus gros, parce que la nourriture & les excrémens s’y amassent & se voient à travers la peau ; elle reprend une couleur luisante d’un gris violet. Le corps est composé de douze segmens sans compter la tête. À la troisième année la tête est proportionnée au corps, ce qui n’arrive pas dans les deux premières ; sa figure est un rond aplati & sa couleur quelquefois d’un jaune brun luisant, quelquefois de la couleur de l’osier jaune de la vigne, elle est munie par devant d’une pince ou tenaille d’un brun foncé & dentelée à ses extrémités. C’est par le moyen de cette tenaille, de ces ciseaux, que le ver coupe les racines des plantes pour en tirer sa nourriture.

Ce ver ne sort de terre que lors qu’on l’en tire ; si on le place sur de la terre meuble, il s’y enfonce promptement ; si on l’expose au gros soleil & sur une terre dure, il périt. C’est un morceau friand pour tous les oiseaux de basse-cour. Il change de peau au moins une fois par an. Lorsqu’il sent qu’elle devient trop étroite, il creuse une petite caverne pour s’y dépouiller plus commodément.

C’est seulement à la fin de la quatrième année que sa métamorphose arrive, St voici comment elle s’exécute. Dans l’automne, le, ver s’enfonce en terre, quelquefois à plus d’une brasse de profondeur, & les paysans jugent par la profondeur, quelle sera l’intensité du froid de l’hiver suivant. Le ver se fait une caverne qu’il sait rendre si lisse & si unie par le moyen de ses excrétions & de quelqu’autre humidité, qu’il peut y rester commodément & en sureté. Peu de tems après sa demeure faite, il commence à se raccourcir, à s’épaissir, à se gonfler, & il quitte avant la fin de l’automne sa dernière peau de ver pour prendre la forme de chrysalide. Peu à peu la chrysalide prend une couleur tout-à-fait jaune tirant sur le rouge. Elle conserve sa forme jusqu’à la fin de janvier ou au commencement de février ; alors elle devient hanneton de couleur blanche & jaunâtre, d’une foible consistance, & elle acquiert la dureté & la couleur qui lui est propre, dix ou douze jours après. Les quatre années révolues & passées sous terre, le hanneton sort enfin de sa retraite au mois de mai, sous la forme d’insecte parfait. D’après ces observations, il est aisé de prédire quelle sera l’espèce dominante dans l’année & si elle sera nombreuse ou non. Cependant, pour ne pas faire de fausses prédictions relativement aux années suivantes, il faut remarquer que lorsque le hanneton sort de terre ou qu’il est sorti, s’il survient une petite gelée tardive ou des pluies froides, il en périt beaucoup. Dès-lors la ponte étant moins considérable, les hannetons seront moins nombreux quatre ans après. La grande chaleur, la grande sécheresse leur sont aussi pernicieuses que le grand froid, & c’est la raison pour laquelle il y en a moins dans les provinces du midi que dans celles