Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/452

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& le journalier y trouveroient une ressource précieuse pour eux & pour leur famille. Dans les pays où elle est introduite, les pauvres ont grand soin de rassembler, pendant toute l’année, autant de fumier qu’ils le peuvent ; leurs enfans courent les grands chemins avec un panier, & ramassent les crottins, enlèvent les terres entraînées par les eaux dans les endroits creux & bourbeux ; enfin ils parviennent à avoir un excellent engrais, & en assez bonne quantité. Le grand point est de leur céder du terrain en raison du monceau qu’ils ont assemblé, & non au-delà. Le propriétaire accorde successivement toutes les parties de son champ, & à la longue il se trouve parfaitement amendé, & sur-tout beaucoup mieux qu’il ne l’auroit été avec la meilleure charrue.

Il y a deux manières générales de semer, ou par raies ou en échiquier. Si on sème des haricots grimpans, par exemple, le haricot de Soissons si renommé, & qui forme une récolte considérable dans les environs de cette ville, il faut laisser d’espace en espace des sillons vides, afin de ramer lorsque la plante le demande, & pour cueillir les gousses lorsqu’elles seront sèches. Si, comme dans l’Angoumois, la Saintonge, on sème des mongettes, des haricots nains, le sillon vide devient moins nécessaire, parce que l’on récolte toute la plante à la fois ; cependant il vaut mieux en laisser un petit, afin de sarcler, piocheter & chausser commodément le pied de la plante. Si, dans les provinces les plus méridionales du royaume, & par conséquent les plus sèches, on a la facilité d’arroser par irrigation (voyez ce mot), si la terre a été bien défoncée & bien amendée, on est sûr d’avoir une magnifique récolte. Il s’agit de détourner les eaux d’un ruisseau, d’une fontaine, ou d’en conduire sur le champ par le moyen du Noria, ou puits à roue (voyez ce mot) ; on bravera alors la grande sécheresse naturelle à ces climats. Si l’irrigation n’est pas possible, il faut renoncer à cette culture.

Je préfère les semis par raie & au plantoir à ceux en échiquier. Les premiers se font grain à grain à la distance de huit à dix pouces, & les seconds, en réunissant dans un même creux depuis dix jusqu’à quinze grains ; par cette dernière méthode les plantes s’affament mutuellement.

Si on veut suivre une culture plus expéditive, on peut imiter celle du Maïs, ou blé de Turquie, ou gros millet (vqyez ce mot), connus dans nos provinces sous ces différentes dénominations ; elle est plus simple, mais elle ne produira point autant.

Lorsqu’on sème en sillons, le planteur muni d’une cheville, fait un trou de deux à trois pouces de profondeur sur la moitié de la hauteur du sillon ou de l’ados, & non au fond ou au sommet : dans le premier cas, s’il survient des pluies avant que le haricot soit sorti de terre, il pourrira ; cette semence craint l’humidité ; & dans le second, elle ne trouvera pas assez d’humidité pour végéter ; enfin, si on arrose par irrigation, planter à la moitié de la hauteur, est le seul moyen de réussir.

Le moment de ramer est également celui du second labour, d’aplanir la terre du sillon avec la pioche & de ramener cette terre bien